Lire un extrait de Lexi Smart a la mémoire qui flanche de Sophie Kinsella - Page 1 - Le papier de cet ouvrage est composé de fibres naturelles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois provenant de forêts plantées et cultivées durablement pour la fabrication du papier. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2o et 3o a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collec- tive » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti- tuerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © Sophie Kinsella 2008. Tous droits réservés. Et pour la traduction française © Belfond, un département de , 2009. ISBN 978-2-266-19870-7 Titre original : REMEMBER ME ? Publié par Bantam Press, an imprint of Transworld Publishers, Londres Ce livre est une œuvre de fiction et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, serait pure coïncidence. 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 6 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 Pour Atticus 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 7 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 9 Prologue Quelle soirée nulle ! La plus nulle de chez nul. Si je devais lui attribuer une note, elle obtiendrait un zéro pointé. Et, croyez-moi, mon échelle d’évaluation ne vole pas très haut. Mes ampoules aux pieds me font tellement souffrir que je sautille sur place. Et pendant ce temps, la pluie dégouline dans mon cou. Je tiens ma veste en jean au- dessus de ma tête. Comme parapluie, on peut faire mieux. Si seulement je trouvais un taxi, je pourrais ren- trer chez moi, enlever ces bottes ridicules et me faire couler un bain bouillant. Mais je monte la garde depuis dix minutes, et pas le moindre taxi à l’horizon. Mes pieds me font un mal de chien. Promis, juré : c’est la dernière fois que j’achète des chaussures à la solderie. Je me suis laissé tenter par ces bottes la semaine dernière (en cuir verni noir et plates : je ne porte jamais de talons). Elles sont trop petites d’une demi-taille mais la vendeuse m’a affirmé qu’elles se détendraient. Elle m’a dit aussi qu’elles m’affinaient la jambe. Et moi, comme une cloche, je l’ai crue. J’attends un taxi au coin d’une rue du sud-ouest de Londres. Un quartier où, avant ce soir, je ne m’étais 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 9 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 10 jamais aventurée. De la musique provient du club qui se trouve à deux pas, dans un sous-sol. La sœur de Caroline, qui est dans les relations publiques, nous a obtenu des entrées à tarif réduit. On s’est toutes trim- ballées jusqu’ici et maintenant il nous faut regagner nos pénates. Je suis la seule à essayer de trouver un tacot. Ma copine Fi s’est attribué la seule porte cochère des environs. Elle est en train de vriller sa langue dans le gosier d’un prince charmant qu’elle a dragué au bar. Mis à part sa petite moustache, il est assez mignon. Il est plus petit que Fi, ce qui arrive fréquemment, vu qu’elle mesure genre un mètre quatre-vingts. Fi a des cheveux longs, une grande bouche et un rire tonitruant qui va avec. Quand elle éclate de rire tout le bureau retient son souffle. Quelques mètres plus loin, Carolyn et Debs, bras dessus, bras dessous et abritées sous un journal, chan- tent à tue-tête It’s Raining Men, comme sur une scène de karaoké. — Lexi ! crie Debs, en me faisant signe de les rejoindre. Il pleut des cordes ! Ses longs cheveux blonds sont en bataille mais elle garde sa bonne humeur. Debs a deux passions : le karaoké et la création de bijoux. D’ailleurs, je porte une paire de boucles d’oreilles qu’elle m’a offerte pour mon anniversaire : des petits L en argent agrémentés d’un semis de perles. — Il ne pleut pas des cordes, je rectifie d’un ton sinistre. Il pleut tout simplement. En général, moi aussi j’adore le karaoké. Mais ce soir, je ne suis pas d’humeur à chanter. Je suis cour- batue moralement et j’ai plutôt envie de rester dans 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 10 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 11 mon coin. Si seulement Dave le Loser était venu comme promis. Malgré tous ses SMS d’amour, malgré ses serments de me retrouver à dix heures pile. Et moi, j’ai attendu, les yeux rivés sur la porte, même quand les copines m’ont dit de laisser tomber. Maintenant, je me sens comme une dinde. Dave le Loser vend des voitures par téléphone. Je l’ai rencontré à un barbecue chez Carolyn l’été dernier. Depuis, c’est mon amoureux. Une précision : je ne l’appelle pas Dave le Loser pour être désagréable – c’est juste son surnom. Personne ne sait d’où ça lui vient et il refuse d’en parler. À dire vrai, il aimerait bien qu’on arrête. Pendant un moment, il s’est baptisé « Butch », en prétendant qu’il ressemblait à Bruce Willis dans Pulp Fiction. Il a la boule à zéro mais la similitude s’arrête là. En tout cas, son changement de prénom a fait un bide. Pour ses collègues, il est toujours Dave le Loser. Moi, je suis Ratichiotte, mon surnom depuis mes onze ans. Ou parfois, Tête de crêpe. J’avoue que j’ai le cheveu crépu et les dents de travers. Mais je dis à tout le monde que ça me donne un certain genre. (Archifaux ! En fait, c’est Fi qui trouve que ça me donne un certain genre. Quant à moi, j’ai l’intention de les faire arranger, quand j’aurai l’argent et le courage de porter un appareil, ce qui n’arrivera sans doute jamais.) Un taxi apparaît soudain et j’agite le bras – mais d’autres gens lui ont fait signe avant moi. Bravo ! Je fourre mes mains dans mes poches et scanne la rue dans un état de frustration totale. Si je suis de mauvais poil, ce n’est pas seulement la faute de Dave le Loser. C’est aussi à cause des primes. 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 11 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 12 L’année comptable s’étant terminée aujourd’hui, le personnel a reçu un papier jaune indiquant le montant des primes. Mes chères collègues ont sauté de joie car les ventes pour 2003-2004 ont été meilleures que prévu. On aurait dit Noël avec dix mois d’avance. Elles ont passé l’après-midi à se vanter de la façon dont elles allaient dépenser leur argent. Carolyn va emmener son chéri à New York. Debs a pris rendez-vous chez Nicky Clark pour des mèches – c’est son rêve. Fi a commandé un nouveau sac branché, le « Paddington », chez Harvey Nichols. Et moi et moi et moi ? Rien, nothing, nada ! Non pas que j’ai mal bossé ou que j’ai raté mes quotas, mais je n’ai travaillé que cinquante et une semaines ! Il m’a manqué juste cinq jours. C’est trop injuste. Ils sont trop radins. Ah ! si on m’avait demandé ce que j’en pensais… Mais, visiblement, l’avis d’une jeune chef des ventes adjointe (section Revêtements de sol) n’intéresse pas le patron. Autre chose : mon titre. On ne peut pas faire pire. C’est même gênant. Le tout tient à peine sur une carte de visite. Plus l’intitulé est long, plus le job est merdique. Ils croient vous éblouir avec un titre ronflant dans l’espoir que vous ne remarquerez pas que vous êtes coincée dans un bureau sordide, responsable de comptes qui n’intéressent personne. Une voiture roule dans une flaque d’eau sans me laisser le temps de reculer. Résultat, je suis éclaboussée des pieds à la tête. J’entends Fi qui passe à la vitesse supérieure avec son mec et lui murmure des choses douces à l’oreille. Malgré ma mauvaise humeur, je dois pincer les lèvres pour ne pas éclater de rire. Il y a quelques mois, après une soirée arrosée avec les filles, 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 12 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 13 nous avons déballé nos petits secrets d’alcôve. Fi nous a confié qu’elle utilisait toujours la même phrase : « Ma petite culotte est en train de fondre. » Non mais, franchement ! Quel mec serait assez naïf pour croire un truc pareil ? Eh bien, d’après les statistiques de Fi, ça marche à tous les coups. Debs nous a avoué que le seul mot qu’elle met à toutes les sauces pendant une partie de jambes en l’air sans hurler de rire c’est l’adjectif « chaud ». « Je suis chaude », « T’es chaud », etc. En fait, quand on est aussi belle, pas besoin de faire de longs discours. Carolyn, qui est avec Matt depuis des siècles, pré- tend qu’elle se tait au lit sauf pour murmurer « Ouii » ou « Plus haut ». Une fois, alors qu’il était sur le point de jouir, elle s’est exclamée : « Oh merde, j’ai oublié mes rouleaux chauffants ! » Avec son sens de l’humour tordu, elle l’a peut-être fait exprès. Matt est pareil qu’elle. Ils sont tous les deux géniaux – à la limite du débile. Lorsqu’on sort ensemble, ils s’envoient telle- ment d’insultes à la figure qu’on a du mal à savoir s’ils sont sérieux. Le savent-ils eux-mêmes ? Quand ç’a été mon tour de jouer au petit jeu de la vérité, j’ai avoué que j’aime dire des choses gentilles à mon mec. Genre : « Tu en as de belles épaules » ou « T’as de beaux yeux, tu sais ». Je leur ai caché que je fais ça avec le secret espoir qu’on me retourne le compliment. Mais ça n’est jamais arrivé. Peu importe ! — Hé, Lexi ! Fi s’est décollée de son type. Elle vient s’abriter sous ma veste et sort son rouge à lèvres. 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 13 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 14 — Où est passé ton prince charmant ? je demande en clignant des yeux pour égoutter mes cils. — Prévenir la fille qui l’accompagnait qu’il se tirait. — Oh, Fi ! — Et alors ? rétorque-t-elle sans le moindre remords. C’était pas sa propriété privée. Elle s’applique une couche de rouge vif et continue : — Je vais me racheter un nouveau maquillage. Toute la gamme Christian Dior. Je peux me l’offrir maintenant ! — Bien sûr, fais-je en me forçant à paraître enthou- siaste. Fi, qui se rend soudain compte de sa gaffe, m’enlace gentiment. — Oh, ma pauvre choute ! Désolée. Tu aurais dû avoir ta prime. C’est trop injuste. — Ne t’en fais pas. Ça sera pour l’année prochaine. — Tu te sens bien ? Tu veux aller boire un verre ? — Non, il faut que je rentre me coucher. Demain, je me lève tôt. Fi comprend soudain et elle se mord les lèvres. — Bon Dieu ! J’avais oublié. Avec ces histoires de primes et tout et tout… Lexi, mille excuses. Tu tra- verses un sale moment. — C’est pas la fin du monde ! je rétorque. Rien de plus horrible que les gens qui gémissent sur leur sort. Je me force donc à faire un beau sourire pour lui montrer que ça ne me dérange pas d’avoir les dents de travers, un mec qui m’a plantée, d’être privée de prime et d’avoir perdu mon père. Fi se tait, ses yeux verts scintillent dans la lumière des phares d’une voiture qui passe. — Les choses vont s’arranger, Lexi. 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 14 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 15 — Tu crois ? — Et comment, assène-t-elle d’un ton énergique en me serrant contre elle. Il suffit d’y croire. D’ailleurs, t’es une femme ou une baleine ? Fi répète cette expression depuis qu’elle a quinze ans et ça me fait toujours sourire. — Tu sais quoi ? poursuit-elle, ton père serait content que tu assistes à son enterrement avec la gueule de bois. Elle n’a vu mon père que deux fois dans sa vie, mais elle a sans doute raison. — Au fait, Lexi…, ajoute-t-elle d’une voix plus douce. Je m’arme de courage. J’ai les nerfs à fleur de peau. Si Fi me dit quelque chose de gentil au sujet de mon père, je risque d’éclater en sanglots. Je ne le connais- sais pas très bien, mais on n’a qu’un papa… — Au fait, reprend Fi, tu aurais une capote à me refiler ? Et moi qui craignais un débordement de sympathie ! — Enfin, c’est au cas où. On va sans doute se contenter de bavarder et de refaire le monde. — Bien sûr. Je farfouille dans mon sac vert Accessorize – un cadeau d’anniversaire – et lui tends discrètement une Durex. — Merci, ma choute, fait-elle en m’embrassant la joue. Tu veux venir chez moi demain soir ? Quand tout sera fini ? Je ferai des spaghettis à la carbonara. — Super. Je t’appelle. Je m’en réjouis d’avance : des pâtes délicieuses, un verre de vin et je lui raconterai l’enterrement. Fi a le 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 15 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10 16 don de tout tourner en dérision. On va s’éclater. Ah, voilà un taxi. — Hé, taxi ! Je fonce au bout du trottoir et fais signe à Debs et à Carolyn, qui s’égosillent sur Dancing Queen, de s’approcher. Les lunettes de Carolyn sont couvertes de pluie et elle est en avance d’une mesure sur Debs. Les cheveux dégoulinants dans ma figure, je me penche vers le chauffeur : — Bonsoir. Pouvez-vous nous déposer d’abord à Balham et puis… — Pas de karaoké dans ma voiture, m’interrompt-il en jetant un sale coup d’œil à mes copines. Je le regarde ahurie : — Comment ça, « Pas de karaoké » ? — J’veux pas de filles à me hurler dans les z’oreilles. Il plaisante ou quoi ? Il ne peut pas interdire aux gens de chanter ! — Mais… — C’est ma voiture, je fais ce que je veux. Pas de soûlots, pas de camés, pas de karaoké ! Sans me laisser le temps de répliquer, il écrase l’accélérateur et démarre sec. — C’est pas légal, dis-je en hurlant. C’est de la dis- crimination ! C’est… Je me retourne, de plus en plus exaspérée. Fi est retournée dans les bras de sa dernière conquête. Debs et Carolyn ont repris Dancing Queen en chœur. C’est un tel massacre que je comprends le chauffeur. Le trafic est toujours aussi dense et nous sommes copieu- sement aspergées. La pluie traverse ma veste en jean et douche mes cheveux. De sombres pensées tournent 165344ONO_LEXI_FM9.fm Page 16 Lundi, 2. mai 2011 10:48 10
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