Lire un extrait de Peur Noire de Harlan Coben - Page 1 - Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.þ122-5, 2o et 3o a, d’une part, que les «þcopies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collec- tiveþ» et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, «þtoute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illiciteþ» (art. L.þ122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti- tuerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L.þ335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © 2000 by Harlan Coben. All rights reserved. © 2009, Éditions Fleuve noir, département d’Univers Poche, pour la traduction française. ISBN 978-2-266-21968-6 Le papier de cet ouvrage est composé de fibres naturelles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois provenant de forêts plantées et cultivées durablement pour la fabrication du papier. Titre originalþ: DARKEST FEAR 171104XBC_PEUR.fm Page 6 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 Quand un père donne à son fils, ils rient tous les deux Quand un fils donne à son père, ils pleurent tous les deux. Proverbe yiddish Celui-ci est pour ton père. Et le mien. 171104XBC_PEUR.fm Page 7 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 «þ—þQuelle est votre plus grande terreurþ? murmura la voix. Fermez les yeux et regardez. Vous la voyezþ? Ça y estþ? Vous y êtesþ? La peur la plus terrible que vous puissiez imaginerþ? Après un long silence, je disþ: —þOui. —þBien. Maintenant imaginez quelque chose de pire, de bien pire…þ» «þPeur noireþ» par Stan Gibbs, article dans le New York Herald, 16þjanvier. 171104XBC_PEUR.fm Page 9 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 11 1 Une heure avant que son monde n’éclate comme une tomate bien mûre sous un talon aiguille, Myron mâchait une pâtisserie qui avait l’aspect et le goût d’un pain détartrant pour urinoir. —þAlorsþ? demanda Maman. Au prix d’un effort méritoire, il avala. —þPas mal. Maman secoua la tête, visiblement déçue. —þQuoiþ? —þJe suis avocate. Le fils que j’ai éduqué devrait savoir mentir. —þTu as fait de ton mieux. Elle haussa les épaules et fit un geste vers le… gâteau. —þC’est la première fois que je cuisine, bubbe. Tu peux me dire la vérité. —þOn dirait un pain détartrant, dit Myron. —þUn quoiþ? —þTu sais, les urinoirs publics. Les trucs qu’ils mettent pour l’odeur. —þEt tu en mangesþ? 171104XBC_PEUR.fm Page 11 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 12 —þNon… —þC’est pour ça que ton père y reste si longtempsþ? Il déguste un petit en-casþ? Et moi qui me faisais du souci pour sa prostate. —þJe plaisantais, M’man. Les yeux bleus de Maman sourirent. Aujourd’hui, ils étaient bleu et rouge, d’un rouge qu’aucun collyre ne parviendrait à effacer, de ce rouge que seules des larmes lentes et fréquentes apportent. D’habitude, Maman était du genre facétieux. Pas larmoyant. —þEt moi aussi, Einstein. Tu crois qu’il n’y a que toi, dans cette famille, qui possèdes le sens de l’humourþ? Myron ne répondit pas. Il guettait le gâteau, crai- gnant, ou peut-être espérant, qu’il ne se mette à ramper pour se planquer quelque part. Au cours des trente et quelques années durant lesquelles sa mère avait vécu sous ce toit, elle n’avait jamais confectionné la moindre pâtisserie, jamais tenté de réaliser la plus sommaire des recettes, pas même essayé de réchauffer des croissants surgelés. Elle était, certes, capable de faire bouillir de l’eau – à condition qu’on la force à suivre les instruc- tions les plus strictes – ou même de cuisiner… quand il s’agissait de glisser une pizza congelée dans le micro- ondesþ; elle faisait d’ailleurs preuve d’une habileté dia- bolique pour l’extraire de son emballage. La pizza, pas le micro-ondes. Non, chez les Bolitar, la cuisine n’était pas un lieu dédié à la gastronomie mais à la réunion, une sorte de salle de meeting strictement familiale. La table ronde était couverte de magazines, de catalogues et de boîtes de bouffe chinoise à emporter. Il y avait autant d’action sur la gazinière que dans un docu- fiction sur la lutte des classes en Antarctique. Le four 171104XBC_PEUR.fm Page 12 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 13 était un pur objet de propagande, encastré là uni- quement pour la frime. Ils étaient assis au salonþ: convertible blanc en simi- licuir et moquette bleu-vert à poils longs façon tapis de bain. Et Myron n’arrêtait pas de se tourner vers la fenêtre écran large pour lorgner la pancarte À VENDRE plantée dans la pelouse comme si une soucoupe volante venait de s’y poser et s’apprêtait à déverser quelque chose de sinistre. —þOù est P’paþ? Maman fit un geste las vers la porte. —þEn bas. —þDans ma chambreþ? —þTon ancienne chambre. Tu as déménagé, tu te rappellesþ? C’était exactþ: il avait quitté le nid parental à trente- quatre ans, pas moins. De quoi ouvrir de nouveaux horizons à toute une génération de pédiatresþ; le fils prodigue préférant s’incruster dans son cocon en sous- sol bien après l’apparition de ses ailes de papillon. Mais Myron aurait pu arguer du contraire. Il aurait pu évoquer le fait que, pendant des générations et dans la plupart des cultures, la progéniture demeurait au foyer jusqu’à un âge avancé, qu’en adoptant cette philo- sophie on pourrait créer un boom sociétal, aider les gens à garder des racines, un lien avec quelque chose de tangible en cette ère de désintégration du noyau familial. Et au cas où cet argument ne vous suffirait pas, il pourrait vous en servir un autre. Il en avait quelques centaines en réserve. Mais la vérité était plus simpleþ: il aimait vivre en banlieue avec papa-maman – même si confesser un tel 171104XBC_PEUR.fm Page 13 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 14 sentiment était aussi branché qu’un collector de Whitney Houston. —þQu’est-ce qui se passeþ? demanda-t-il. —þTon père ne sait pas encore que tu es là. Il croit que tu n’arrives que dans une heure. —þEt qu’est-ce qu’il fabrique dans la caveþ? —þTon père a acheté un ordinateur. Il fait joujou avec. —þPapaþ? —þJe vois que tu saisis l’ampleur du désastre. Un homme qui ne sait pas changer une ampoule… et voilà qu’il se prend pour Bill Gates. Il passe son temps sur la tuile. —þLa Toile, corrigea Myron. —þLa quoiþ? —þÇa s’appelle la Toile, M’man. —þJe voyais plutôt ça comme une tuile… Tu es sûrþ? Bon, si tu le dis… Donc, ton père passe tout son temps devant cette boîte en plastique. Il discute avec des gens, Myron. Voilà ce qu’il me dit. Il discute avec des inconnus. Comme avec sa CB dans le temps, tu te souviensþ? Il s’en souvenait. 1976. Les papas juifs se signalant la présence des flics sur la route du delicatessen. Puissant convoi de Cadillac Seville. —þEt ce n’est pas tout, poursuivit Maman. Il est en train de taper ses Mémoires. Un homme qui ne sait pas faire la liste des commissions se prend soudain pour un ex-président. Ils vendaient la maison. Myron n’arrivait toujours pas à le croire. Son regard errait dans le décor, un décor plus que familier, et venait buter sur les photos accro- chées au mur dans l’escalier. Il y voyait l’évolution de 171104XBC_PEUR.fm Page 14 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 15 sa famille à travers les modes – les jupes et les revers rétrécissant ou s’agrandissant, les franges quasi hippies, les machins en daim, les pattes d’ef, les smokings hallucinés qu’on n’aurait même pas acceptés dans un casino de Vegas –, les années s’enfuyant d’un cadre à l’autre comme dans une de ces déprimantes pubs pour assurances-vie. Il fit une pause sur les poses de sa période basket – un gamin au lancer franc, un préado sautant au panier, un ado réussissant son dunk – la série se terminant par les couvertures de Sports Illustrated, les deux premières le montrant à Duke et la dernière avec la jambe dans un plâtre orné de cette légende en lettres capitalesþ: EST-IL FINIþ? (la réponse étant un OUIþ! gravé lui aussi en capitales dans son cerveau). —þAlors, quel est le problèmeþ? demanda-t-il. —þEst-ce que j’ai dit qu’il y avait un problèmeþ? —þNon, mais tu es avocate. —þEt alorsþ? Tu as peur de ta propre mèreþ? —þNon, mais j’ai presque peur des avocats. Elle croisa les mains devant elle. —þIl faut qu’on parle. Myron n’aima pas son ton. —þMais pas ici, ajouta-t-elle. Allons faire un tour. Il acquiesça et ils se levèrent. Avant qu’ils atteignent la porte, la sonnerie de son portable le rattrapa. Myron dégaina à une allure qui aurait impressionné Wyatt Earp. —þMB Sports, déclara-t-il d’une voix soyeuse, pro- fessionnelle. Myron Bolitar à l’appareil. —þJolie voix, dit Esperanza. On dirait Billy the Kid commandant deux colts 45. Esperanza Diaz avait été son assistante, elle était désormais son associée dans MB Sports (M pour 171104XBC_PEUR.fm Page 15 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 16 Myron, B pour Bolitar… pour ceux qui prennent des notes). —þJ’espérais Lamar, dit-il. —þIl n’a toujours pas rappeléþ? —þNon. Il entendit Esperanza froncer les sourcils. —þOn est dans le caca, dit-elle. —þNous ne sommes pas dans le caca. Nous tra- versons juste quelques difficultés passagères, c’est tout. —þC’est ce que je disais, nous sommes en pleine crise aiguë de transit intestinal. —þElle est bien bonne, celle-là, dit Myron. —þMerci. Lamar Richardson était un bloqueur, élu meilleur joueur de l’année à son poste, qui venait de devenir «þlibre d’agentþ» – des mots que tout agent sportif murmure avec la ferveur d’un mufti louant Allah. En quête d’un nouveau représentant, Lamar avait réduit sa liste finale à trois agencesþ: deux conglomérats hyper- trophiés dont la moindre succursale avait la taille d’un centre commercial, parking compris, et la susmen- tionnée MB Sports, ridiculement minuscule mais oh-si- chaleureuse. Regardant sa mère debout près de la porte, Myron changea d’oreille et demandaþ: —þRien d’autreþ? —þVous ne devinerez jamais qui a appelé, dit Esperanza. —þClaudia et Naomi exigeant un nouveau ménage à troisþ? —þPresque. Elle ne le lui dirait pas. Avec ses amis, fallait tou- jours passer par le jeu télé. 171104XBC_PEUR.fm Page 16 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13 17 —þUn indiceþ? —þUne de vos ex-maîtresses. Il faillit sursauter. —þJessica. Esperanza émit un bruit de buzzer. —þDésolée, vous vous êtes trompé de salope. Myron en resta perplexe. Il n’avait eu que deux rela- tions durables dans sa vieþ: Jessica pendant treize ans, coupures comprises (la dernière, définitive). Et avant ça, il fallait remonter à… —þEmily Downingþ? —þDing-ding, fit Esperanza. Une image lui creva la cervelle. Emily assise sur le canapé dans le foyer en sous-sol, avec son sourire, ses jambes sous les cuisses, son pull trois fois trop grand aux couleurs de la fac et ses mains qui avaient disparu dans les manches. Sa bouche s’assécha. —þQue voulait-elleþ? —þSais pas. Elle a juste dit qu’elle devait vous voir. La voix rauque et voilée. Très mystérieuse, votre ex. Quand elle parle, on a l’impression que tout ce qu’elle dit est à double sens. Oui, avec Emily, c’était toujours comme ça. —þElle est bonne au litþ? s’enquit Esperanza. En tant que bisexuelle exceptionnellement sédui- sante, elle envisageait chaque être humain comme un partenaire potentiel. Myron se demanda ce que ça faisait, de devoir affronter un choix aussi écrasant, avant de se conseiller d’éviter tout surmenage intel- lectuel de bon matin. —þQu’a-t-elle dit exactementþ? 171104XBC_PEUR.fm Page 17 Vendredi, 1. juillet 2011 1:48 13
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