Lire un extrait de Mauvaise Base de Harlan Coben - Page 1 - Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L.þ122-5, 2o et 3o a, d’une part, que les «þcopies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collec- tiveþ» et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, «þtoute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illiciteþ» (art. L.þ122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti- tuerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L.þ335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. ©þ1999 by Harlan Coben. All rights reserved. ©þ2008, Éditions Fleuve Noir, département d’Univers Poche, pour la traduction française. ISBN 978-2-266-20769-0 Le papier de cet ouvrage est composé de fibres naturelles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois provenant de forêts plantées et cultivées durablement pour la fabrication du papier. Titre originalþ: THE FINAL DETAIL 171109XBH_BASE.fm Page 6 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 Pour tante Evelyn à Revere Avec beaucoup, beaucoup d’amour Et en souvenir de Larry Gerson (1962-1998) Fermez les yeux, vous verrez encore son sourire 171109XBH_BASE.fm Page 7 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 9 1 Une boisson tropicale à portée de doigts, étalé à côté d’une bombe en bikini, l’eau turquoise des Caraïbes lui léchant les orteils, le sable blanc lui léchant le dos, le bleu du ciel lui léchant les yeux, le soleil plus suave qu’une masseuse suédoise sous haschich lui léchant la peau, Myron était profondément malheureux. Ils se trouvaient sur cette île enchantée depuis trois semaines. Environ. Il n’avait pas jugé bon de compter les jours. Terese, non plus, sans doute. Pas de télé- phone, pas de voiture, un tout petit peu d’électricité et beaucoup de luxeþ: cette île était aussi paumée et aussi chère qu’une pub pour tampon périodique au milieu de la finale du Superbowl. Myron secoua la tête. Facile d’arracher le gamin à la télévision, plus difficile d’arra- cher la télévision du gamin. Et voilà qu’à son malheur s’ajoutaient des maux d’estomac. À midi sur l’horizon, cisaillant le tissu bleu de la mer sur un ourlet blanc d’écume, arrivait le yacht. C’était cette vision, au demeurant aussi splendide que le reste, qui lui nouait les viscères. Il ne savait pas exactement où ils se trouvaient. L’endroit avait pourtant un nom, un vraiþ: St. Bacchanals. 171109XBH_BASE.fm Page 9 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 10 Sans déconner. Il s’agissait d’un petit bout de planète appartenant à une de ces mégacompagnies de croisiè- res qui utilisait une des plages de l’île pour permettre à ses clients de nager, faire griller du poisson et jouir d’une journée sur leur «þîle paradisiaque personnelleþ». Personnelle. Avec deux mille cinq cents autres turistas empilés dans le même bac à sable. Ouais, personnelle. Bacchanale, même. Mais de ce côté-ci du paradis, c’était très différent. Il n’y avait qu’une seule maison, celle du P-DG de ladite compagnie, un habitat hybride entre la hutte et le manoir colonial. Seuls voisins à moins de deux kilo- mètresþ: des domestiques. Population totale de l’îleþ: trente âmes, toutes vouées au service du mégatour- operator. Le yacht coupa ses moteurs pour se laisser dériver vers la plage. Terese Collins baissa ses Bollé et fronça les sour- cils. En trois semaines, aucune embarcation, à l’excep- tion de quelques paquebots mammouths – subtilement baptisés Sensation, Ecstasy ou Point G –, n’était venu polluer leur champ de vision. —þTu as dit à quelqu’un où nous étionsþ? demanda- t-elle. —þNon. —þC’est peut-être John. John était le P-DG susmentionné, un ami de Terese. —þJe ne pense pas, dit Myron. Il l’avait rencontrée trois semaines plus tôt. Environ. Terese était «þen congéþ» de son boulot de présenta- trice prime time sur CNN. Des amis bien intentionnés les avaient plus ou moins forcés tous les deux à assis- ter à un machin caritatif. Ils avaient aussitôt été attirés l’un par l’autre comme magnétisés par leur malheur et 171109XBH_BASE.fm Page 10 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 11 leur douleur respectifs. Ça avait commencé comme un défiþ: et si on larguait toutþ? Fuir. Disparaître avec quelqu’un qu’on trouve pas trop moche et qu’on connaît à peine. Ils avaient tenu bon tous les deux et, douze heures plus tard, ils s’étaient retrouvés à Saint-Martin. Le lendemain, ils étaient ici. Pour Myron, un homme qui avait couché en tout et pour tout avec quatre femmes dans sa vie, qui n’avait jamais expérimenté les histoires d’une nuit, même à l’époque où elles étaient à la mode et à coup sûr sans risque, et pour qui coucher était plus affaire de senti- ments que de sensations, la décision de fuir avec une inconnue avait paru étonnamment juste. Il n’avait dit à personne où il allait, ni pour combien de temps – il ne le savait pas lui-même. Il avait appelé Papa et Maman pour leur dire de ne pas s’inquiéter (autant leur demander de se laisser pousser des bran- chies et de respirer sous l’eau). Il avait envoyé un fax à Esperanza lui donnant tous pouvoirs sur MB Sports, l’agence sportive dans laquelle ils étaient à présent associés. Il n’avait pas prévenu Win. Terese l’observait. —þTu sais qui c’est. Myron ne dit rien. Il avait de plus en plus mal au ventre. Le yacht était maintenant tout proche. Une porte sur le pont s’ouvrit et, comme Myron le craignait, Win apparut. La panique lui coupa le souffle. Win n’était pas du genre à passer dire bonjour. S’il était là, c’est que quelque chose allait vraiment mal. Myron se leva et lui adressa un signe de la main. Win hocha à peine la tête. —þAttends, fit Terese. C’est pas ce type dont la famille possède Lock-Horne Securitiesþ? 171109XBH_BASE.fm Page 11 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 12 —þSi. —þJe l’ai interviewé une fois. Le marché avait plongé. Il a un nom à rallonge, assez pompeux. —þWindsor Horne Lockwood, troisième du nom. —þC’est ça. Un peu bizarre, comme mec. Si seulement elle savait. —þPlutôt beau gosse, poursuivit Terese, dans le genre vieille famille, pourri de fric, né avec un club de golf en argent dans la main. Comme s’il avait entendu, Win passa la main dans sa blonde chevelure et sourit. —þVous avez un truc en commun, lui et toi, dit Myron. —þLequel ? —þVous le trouvez tous les deux beau gosse. Terese le scruta. —þTu vas repartir. Il y avait une pointe d’appréhension dans sa voix. Myron hocha la tête. —þWin ne serait pas là, sinon. Elle lui prit la main. En trois semaines, c’était le premier geste de tendresse entre eux. Ça pouvait paraî- tre bizarreþ: deux amants seuls sur une île, tringlant en permanence mais qui n’avaient pas échangé le moin- dre doux baiser, le moindre murmure affectueux. Sauf que, pour eux, il n’était question que d’oubli et de sur- vieþ: deux rescapés paumés dans les décombres et qui, pas une seconde, n’envisagent de reconstruire quoi que ce soit. Terese passait l’essentiel de ses journées à marcher seuleþ; lui traînait sur la plage à faire de l’exercice ou à lire. Ils se retrouvaient pour manger, dormir et bai- ser. En dehors de ça, ils se laissaient tranquilles pour, à défaut de guérir, au moins éviter les flots de sang. 171109XBH_BASE.fm Page 12 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 13 Elle aussi avait été fracassée, ça se voyait. La tragédie était récente et l’avait démolie jusqu’aux os. Mais il ne lui avait rien demandé. Et elle ne l’avait jamais inter- rogé non plus. Une des règles implicites de leur petite folie. Le yacht s’immobilisa et jeta l’ancre. Win se glissa dans un dinghy motorisé. Myron attendait. Ses orteils fouillaient le sable. Il se préparait. Quand le canot fut assez proche de la plage, Win coupa le moteur. —þMes parentsþ? lança Myron. —þIls vont bien. —þEsperanzaþ? Infime hésitation. —þElle a besoin de toi. Win posa une semelle incertaine sur l’eau, un peu comme s’il s’attendait qu’elle supporte son poids. Il portait une chemise Oxford à boutons blancs et un ber- muda Lilly Pulitzer aux couleurs assez criardes pour effrayer un banc de requins. Le yuppie du yacht. Il était mince mais la peau de ses avant-bras avait du mal à contenir des serpents d’acier. Terese se leva tandis que Win approchait. Ce der- nier admira la vue sans avoir l’air de la reluquer. Selon Myron, il était un des rares membres de la gent mascu- line capables d’un tel exploit. L’éducation, sans doute. Il prit la main de Terese et sourit. Ils échangèrent des plaisanteries. Qui donnèrent lieu à quelques sourires complaisants. Myron, figé, ne les écoutait pas. Terese s’excusa et retourna à la maison. Prudent, Win la regarda s’éloigner avant de commen- terþ: —þÉlégant derrière. —þC’est à moi que tu fais allusionþ? s’enquit Myron. Win garda les yeux braqués sur… sa cible. 171109XBH_BASE.fm Page 13 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 14 —þÀ la télévision, elle est toujours assise derrière une table. Comment deviner qu’elle possède un posté- rieur d’une telle qualitéþ? Il secoua la tête. —þC’est fort dommage. —þTu pourrais lui suggérer de se lever une ou deux fois pendant son journal, tourner sur elle-même, se pencher en avant, quelque chose comme ça. —þExcellente idée, fit Win avant de risquer un coup d’œil vers son ami. Tu n’aurais pas pris quelques clichés en pleine action ou, mieux, un enregistrement vidéoþ? —þNon, ça, c’est plutôt ton genre ou le genre rock star dépravée. —þC’est fort dommage, en vérité. —þÇa va, j’ai compris, c’est dommage. Élégant derrière ? —þBon, qu’est-ce qui se passe avec Esperanzaþ? Terese avait enfin disparu derrière la porte. Après avoir laissé échapper un infime soupir, Win se décida à faire face à Myron. —þIl va falloir une demi-heure pour refaire le plein du yacht. Nous partirons après. Tu permets que je m’assoieþ? —þQu’est-ce qui se passe, Winþ? Il ne répondit pas, préférant bien s’installer sur la chaise longue, mains derrière la tête, chevilles croisées. —þJe dois le reconnaîtreþ: quand tu décides de dérail- ler, c’est avec un certain style. —þHmm. Win détourna les yeux et, soudain, Myron comprit quelque choseþ: il l’avait blessé. Bizarre mais sans doute vrai. Win avait beau être un aristocrate, ou plus exactement un inadapté social au sang bleu, il n’en restait pas moins relativement humain. Les deux hom- 171109XBH_BASE.fm Page 14 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 15 mes étaient inséparables depuis la fac, et Myron s’était barré sans rien lui dire. Dans la catégorie amis, Win n’avait que lui. —þJe voulais t’appeler, dit Myron, cherchant sa voix. Win ne fit aucun commentaire. —þMais je savais que, s’il y avait le moindre pro- blème, tu me retrouverais. C’était vrai. Win était capable de retrouver un compte offshore dans l’organigramme d’une multinationale. Il agita vaguement la main. —þPeu importe. —þAlors, quel est le problème avec Esperanzaþ? —þClu Haid. Le premier client de Myron, un lanceur droitier au crépuscule de sa carrière. —þMais encore ? —þIl est mort, dit Win. Myron sentit ses jambes mollir. Ses fesses trouvè- rent l’autre chaise. —þTrois balles dans la peau à domicile. —þJe croyais qu’il s’était racheté une conduite, fit Myron. Win ne dit rien. —þQuel rapport avec Esperanzaþ? Win consulta sa montre. —þÀ l’heure où nous parlons, dit-il, elle a dû être arrêtée pour meurtre. —þQuoiþ? Encore une fois, Win ne dit rien. Il détestait se répéter. —þLa police croit qu’elle l’a tuéþ? —þRavi de constater que tes vacances n’ont en rien affecté tes formidables capacités de déduction. Win offrit son visage au soleil. —þQu’est-ce qu’ils ont contre elleþ? 171109XBH_BASE.fm Page 15 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11 —þL’arme du crime, pour commencer. Des taches de sang et quelques fibres. Tu as de la crème solaireþ? —þMais comment…þ? Myron s’interrompit pour scruter le visage de son ami. Comme d’habitude, cela ne lui apprit pas grand- chose. —þTu penses qu’elle l’a tuéþ? se décida-t-il enfin à demander. —þJe n’en ai aucune idée. —þTu lui as demandéþ? —þEsperanza ne souhaite pas me parler. —þQuoiþ? —þEt elle ne souhaite pas te parler non plus. —þQuoiþ? répéta Myron. C’est ridicule. Esperanza ne tuerait jamais personne. —þTu veux dire que, pour toi, c’est une certitude absolue, c’est çaþ? Myron encaissa. Avec difficulté. Il avait cru que sa récente expérience l’aiderait à mieux comprendre Win. Win avait tué. Souvent, même. Maintenant que Myron en avait fait autant, il s’était dit que cela créerait une sorte de lien entre eux. Mais ce n’était pas le cas. Au contraire. Leur expérience commune avait ouvert un nouveau gouffre. Win regarda à nouveau sa montre. —þPourquoi ne vas-tu pas faire tes bagagesþ? —þJe n’ai pas de bagages. Win fit un signe vers la maison. Terese se tenait là, les regardant en silence. —þAlors, dis au revoir au Derrière et rentrons. 171109XBH_BASE.fm Page 16 Vendredi, 1. juillet 2011 11:30 11
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