Lire un extrait du livre la colonie du diable de James Rollins - Page 1 - Lire un extrait du livre la colonie du diable de James Rollins JAMES ROLLINS LA COLONIE DU DIABLE Traduit de l’anglais (États-Unis) par Leslie Boitelle Titre original : The Devil Colony Ouvrage également disponible en version numérique Fleuve Noir, une marque d’Univers Poche, est un éditeur qui s’engage pour la préservation de son environnement et qui utilise du papier fabriqué à partir de bois provenant de forêts gérées de manière responsable. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. Copyright © 2011 by Jim Czajkowski. Published in agreement with the author, c/o Baror International, Inc., Armouk, New York, U.S.A. © 2013, Fleuve Noir, département d’Univers Poche, pour la traduction française. ISBN 978-2-265-09725-4 PREMIÈRE PARTIE ENTRÉE INTERDITE S CHAPITRE 1 De nos jours 18 mai, 13 h 32 Montagnes Rocheuses, Utah On se croyait aux portes de l’enfer. Les deux jeunes gens se trouvaient au sommet d’une crête qui surplombait un gouffre de ténèbres. Ils avaient mis huit heures à gravir la pente qui reliait le minuscule hameau de Roosevelt à ce coin perdu des Rocheuses. — Tu es sûr qu’on est au bon endroit ? demanda Trent Wilder. Charlie Reed vérifia sur le GPS de son téléphone portable, puis il étudia la carte indienne dessinée sur un morceau de cuir qu’il conservait dans un sac de congélation transparent. — Je crois. Sur le plan, un cours d’eau serpente au fond du ravin. L’entrée de la grotte était située à la bifurcation du ruisseau vers le nord. Grelottant, Trent épousseta les flocons qui s’accrochaient à ses cheveux. Alors qu’en plaine, un tapis de fleurs sauvages annonçait l’arrivée du printemps, là-haut, l’hiver faisait de la résistance. La température demeurait glaciale et les sommets étaient couverts de neige. Pour ne 29 rien arranger, une petite bise s’était levée dans un ciel resté menaçant toute la journée. L’étroite vallée paraissait abyssale. En contrebas, une forêt de pins noirs cernée de falaises abruptes émergeait du brouillard. Bien qu’il ait emporté des cordes et des baudriers d’alpinisme, Trent espéra ne pas en avoir besoin. Enfin, ce n’était pas ce qui l’ennuyait le plus. — On ne devrait peut-être pas s’y aventurer. — Après avoir crapahuté toute la journée ? s’étonna Charlie. — Et la malédiction ? Ce que ton grand-père… Son camarade balaya l’objection d’un revers de main : — Il a déjà un pied au cimetière et le cerveau embrumé par le peyotl. Pas la peine de faire dans ton froc ! La caverne ne contient certainement que des pointes de flèche et des tessons de poterie. Peut-être quelques ossements si on a du bol. Allez, viens. Trent se sentit obligé de le suivre sur le sentier forestier qu’ils avaient découvert un peu plus tôt. Charlie portait une veste rouge flanquée de deux plumes symbolisant l’université de l’Utah. Trent, lui, avait encore son blouson de lycée à l’effigie du puma de Roosevelt Union. Les deux garçons étaient les meilleurs amis du monde depuis l’école primaire mais, ces derniers mois, leurs chemins se séparaient doucement. Trent travaillait à plein temps dans la carrosserie de son père, tandis que Charlie venait de boucler sa première année de faculté. Cet été-là, il effectuerait même un stage au cabinet juridique de la réserve indienne d’Uinta-Ouray. C’était une étoile montante. Trent aurait bientôt besoin d’un télescope pour l’observer depuis son patelin de Roosevelt mais, bon, quoi de neuf à l’horizon ? Charlie l’avait toujours éclipsé. Que le bel étudiant ait hérité de la peau cuivrée et de la crinière noire de ses ancêtres utes n’arrangeait pas les choses. Avec ses cheveux roux en 30 brosse et son visage constellé de taches de son, Trent avait toujours été relégué au rang de faire-valoir lors des fêtes du lycée. Bien qu’ils ne l’aient jamais exprimé à haute voix, ils étaient conscients que leur entrée dans l’âge adulte sonnait le glas de leur amitié. En guise de rite de passage, ils s’étaient accordé une ultime aventure : la recherche d’une grotte sacrée pour les Indiens utes. Selon Charlie, seule une poignée de ses aïeux connaissaient le lieu de sépulture situé sur les monts Uinta et, de toute façon, ils avaient interdiction d’en parler. Si le jeune homme avait appris son existence, c’était que son grandpère aimait trop le bourbon. Il ne se rappelait sans doute même pas lui avoir montré la vieille carte en peau de daim dissimulée dans une corne de bison évidée. La première fois que Trent avait entendu l’histoire, il était au collège, blotti sous une tente avec son ami. Le menton éclairé par une lampe torche pour accentuer son effet théâtral, Charlie lui avait confié le secret : — Papy raconte que le Grand Esprit continue de hanter la grotte. Qu’il protège un immense trésor de notre peuple. — Quel genre de trésor ? avait lâché Trent, sceptique. À l’époque, il s’intéressait plus au numéro de Playboy qu’il avait volé à son père. Ça, c’était un super trésor ! — Bah ! Aucune idée, mais il doit être maudit. — Ah bon ? Charlie avait rapproché la lampe de son menton et haussé le sourcil d’un air diabolique : — D’après papy, celui qui franchit effrontément le seuil de la grotte du Grand Esprit n’en ressort plus jamais. — Pourquoi ? — Parce que, sinon, ce sera la fin du monde. À cet instant précis, le vieux chien de Trent avait poussé un gémissement strident qui les avait fait sursauter, puis ils avaient éclaté de rire et bavardé très tard dans la nuit. 31 Au fil du temps, Charlie avait mis l’histoire de son grandpère sur le compte de stupides superstitions. En tant qu’Indien moderne, il rejetait de telles balivernes. En tout cas, il avait fait jurer le secret à Trent et toujours refusé de l’emmener à l’endroit indiqué sur la carte. Jusqu’à présent. — Il fait plus chaud par ici, constata Charlie. La neige tombait en abondance, les flocons étaient plus gros mais, à mesure que les deux camarades descendaient dans le ravin, l’air se réchauffait et dégageait une vague odeur d’œuf pourri. À un moment donné, la neige se transforma en bruine. Le brouillard qu’ils croyaient avoir distingué quelques minutes plus tôt était, en réalité, un nuage de vapeur. Le coupable apparut entre les arbres : un ruisseau bouillonnait sur un lit de cailloux, au pied de la crevasse. — Tu sens l’odeur de soufre ? lança Charlie, le nez en l’air. Arrivé sur la berge, il trempa le doigt dans l’eau. — C’est chaud. Il doit y avoir une source thermale. Trent ne sourcilla même pas. La montagne en regorgeait. — Je pense qu’on est arrivés, annonça le jeune Indien. Les zones de chaleur sont des endroits sacrés pour mon peuple. Il serait logique qu’ils aient établi leur vaste cimetière ici. (Il bondit de rocher en rocher.) Suis-moi, on touche au but. Plus ils remontèrent le cours d’eau, plus la chaleur s’accentua. À cause des vapeurs de soufre, Trent avait les yeux et les narines en feu. Pas étonnant que personne n’y ait jamais mis les pieds ! Les prunelles embuées de larmes, il voulut rebrousser chemin. Soudain, Charlie s’arrêta devant un méandre du ruisseau. Il brandit son téléphone portable comme une baguette de sourcier, pivota à 360 degrés et vérifia sur la carte qu’il avait dérobée le matin même à son grand-père. 32 — On y est. Trent scruta les environs. Il ne voyait aucune grotte. Rien que des arbres. La neige gelait sur les sommets mais, au fond de la vallée, elle continuait de tomber en faible pluie. — L’entrée doit se trouver par ici, marmonna Charlie. — Ou il ne pourrait s’agir que d’une vieille histoire sans fondement. Son ami enjamba le cours d’eau et donna quelques coups de pied dans les fougères : — Allons au moins jeter un œil. Trent se mit à chercher sans conviction. À quelques mètres d’une falaise en granit, il lança : — Je ne vois rien ! Pourquoi ne pas se contenter de… Soudain, il l’aperçut furtivement. On aurait dit une ombre sur la paroi, sauf qu’une brise légère balayait la vallée, agitait les branches et faisait trembler les ténèbres. L’ombre, en revanche, ne bougeait pas d’un millimètre. Il avança d’un pas. L’entrée de la grotte était large et basse, telle une bouche figée par un méchant rictus. À l’abri d’une saillie rocheuse, elle mesurait un bon mètre de haut. Un bruit d’éclaboussures et un juron annoncèrent l’arrivée de son ami. Pour la première fois, Charlie parut hésiter : — C’est vraiment ici. Hantés par les légendes indiennes, ils restèrent paralysés de longues secondes devant la caverne. En dépit d’une certaine nervosité, leur fierté virile les empêchait aussi de reculer. Trent finit par briser le silence gêné : — On y va ? — Et comment, mon pote ! Avant que l’un d’eux ne se dégonfle, ils grimpèrent jusqu’à l’affleurement rocheux de la grotte. Charlie pointa sa torche. Une galerie pentue s’enfonçait au cœur de la montagne. 33 Il passa la tête à l’intérieur : — Allons découvrir ce fichu trésor ! Galvanisé par l’assurance bravache de son ami, Trent lui emboîta le pas. Très vite, le tunnel se rétrécit et les obligea à trottiner l’un derrière l’autre. La température était encore montée d’un cran mais, en tout cas, l’air était sec, l’odeur moins nauséabonde. Arrivé devant un toboggan particulièrement raide, Trent sentit la chaleur du granit traverser son blouson : — Putain, on se croirait au sauna ! — Ou dans une hutte à sudation, confirma Charlie, le visage luisant de sueur. Mes ancêtres se servaient peutêtre de la grotte comme telle. Je parie que la source thermale se trouve juste sous nos pieds. Trent n’aimait pas beaucoup ce qu’il entendait. Hélas, il ne pouvait plus revenir sur sa décision. Le tunnel déboucha sur une salle au plafond bas, à peu près de la taille d’un terrain de basket. Un foyer rudimentaire y avait été creusé à même la pierre. Le granit était encore noirci par la trace des anciens brasiers. À tâtons, Charlie agrippa le bras de Trent. Il avait une poigne de fer mais tremblait un peu… et son ami savait pourquoi. La grotte n’était pas vide. Le sol était jonché de cadavres alignés le long des murs, hommes et femmes confondus, certains assis en tailleur, d’autres avachis sur le côté. Leur peau parcheminée s’était racornie sur les os, les yeux étaient ratatinés au fond des orbites, les lèvres retroussées sur des dents jaunies. Ils étaient torse nu, même les femmes, leurs seins desséchés et aplatis sur le thorax. Quelques corps étaient ornés de coiffes en plumes ou de colliers en pierre et en tendon. — Mon peuple, balbutia Charlie, la gorge étranglée par le respect qu’il devait aux momies de ses aïeux. — Tu en es certain ? À la lumière vive de la torche, leur peau paraissait trop pâle, leurs cheveux trop clairs, mais Trent n’était pas 34 expert en la matière. La chaleur très minérale qui avait cuit les dépouilles les avait peut-être aussi décolorées. Charlie s’approcha d’un homme dont la gorge était empanachée de plumes noires : — Celui-ci m’a l’air bien rouge. Il ne parlait pas de son teint. Sous l’éclairage électrique, les cheveux emmêlés autour du crâne étaient roux auburn. — Regarde son cou, ajouta Trent. Le cadavre avait la tête renversée contre le mur. Sous la mâchoire, la peau béait, révélant l’os et les tissus déshydratés. L’entaille était trop franche, la cause du décès évidente. Les doigts flétris du défunt étreignaient une lame métallique qui, encore polie, étincelait à la lumière. Charlie balaya sa torche à travers la salle. D’autres lames gisaient au sol ou étaient serrées par des mains squelettiques. — On dirait qu’ils se sont suicidés, balbutia Trent, médusé. — Mais pourquoi ? Il indiqua l’autre élément marquant de la pièce : un tunnel sombre qui s’enfonçait dans la montagne. — Ils planquaient peut-être un truc ici, quelque chose dont le monde ne devait pas être au courant. Les deux amis fixèrent le couloir. Trent sentit un frisson lui parcourir les jambes et lui hérisser les poils des bras. Personne ne bougea. Personne ne voulait traverser la scène macabre. Même la promesse d’un trésor avait perdu tout son attrait. Ce fut le jeune Indien qui rompit le silence : — Fichons le camp d’ici. Trent n’émit aucune objection. Il avait eu son compte d’horreurs pour la journée. Muni de leur unique source de lumière, Charlie fit volte-face vers la sortie. Trent le suivit dans le tunnel, mais il se retournait sans cesse, de peur que le Grand Esprit ne s’empare d’un cadavre et ne l’envoie claudiquer derrière eux, un 35
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