Lire un extrait de L'énigme Alexandrie de Steve Berry - Page 1 - Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, (2e et 3e a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple ou d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © Steve Berry, 2007. © David Lindroth pour les cartes. © le cherche midi, 2008, pour la traduction française. ISBN : 978-2-266-18281-2 Titre original : The Alexandria Link Le papier de cet ouvrage est composé de fibres naturelles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois provenant de forêts plantées et cultivées durablement pour la fabrication du papier. 13 Prologue Palestine Avril 1948 George Haddad perdit patience en regardant l’homme attaché à la chaise. Comme lui, le prisonnier avait le teint olivâtre, le nez aquilin, les yeux creux et marron des Syriens ou des Libanais. Mais il y avait quelque chose chez cet homme que Haddad n’aimait tout sim- plement pas. « Je ne vais te le redemander qu’une fois. Qui es-tu ? » Les soldats de Haddad avaient capturé l’inconnu trois heures plus tôt, juste avant l’aube. Il se promenait seul, sans arme. Quelle idiotie ! Depuis que les Britanniques avaient décidé en novembre dernier de scinder la Palestine en deux États, l’un arabe et l’autre juif, la guerre faisait rage entre les deux camps. Malgré tout, cet idiot avait pénétré dans un bastion arabe, n’avait offert aucune résistance et n’avait pas dit un mot depuis qu’il était attaché à la chaise. « Tu m’as entendu, pauvre idiot ? Je t’ai demandé qui tu étais, dit Haddad en arabe, langue que l’homme com- prenait manifestement. — Je suis un Gardien. » Cela ne lui évoquait rien. « C’est-à‑dire ? — Nous sommes les protecteurs du savoir. » Haddad n’était pas d’humeur à s’intéresser aux 14 devinettes. La veille à peine, l’armée secrète juive avait attaqué un village voisin. Quarante hommes et femmes avaient été conduits dans une carrière et exécutés. Rien d’inhabituel : les Arabes étaient systématiquement assassinés ou expulsés. La terre que leurs ancêtres occupaient depuis seize cents ans leur était confisquée. La nakba, la catastrophe, était en train de se produire. Haddad aurait dû être en train de combattre l’ennemi au lieu d’écouter ces insanités. « Nous sommes tous des protecteurs du savoir. Le mien consiste à éradiquer tous les sionistes que je serai capable de débusquer. — C’est la raison de ma venue. Cette guerre est inutile. » Cet homme était bel et bien un idiot. « Tu es aveugle ou quoi ? Les juifs sont en train d’envahir notre terre. Nous avons été écrasés. La guerre, c’est tout ce qu’il nous reste. — Vous sous-estimez la détermination des juifs. Ils survivent depuis des siècles et ne vont pas disparaître comme ça. — Cette terre nous appartient. Nous vaincrons. — Certaines choses plus puissantes que les balles peuvent vous conduire à la victoire. — Exactement : les bombes. Et nous n’en manquons pas. Nous vous écraserons jusqu’au dernier. Vous autres sionistes, n’êtes que des voleurs. — Je ne suis pas sioniste. » La déclaration avait été proférée d’une voix calme ; puis l’inconnu se tut. Haddad se rendit compte qu’il devait mettre fin à cet interrogatoire. Pas le temps de perdre son temps. « Je viens de la Bibliothèque pour m’entretenir avec Kamal Haddad, finit par dire l’inconnu. — C’est mon père, répondit Haddad, la rage laissant place à la confusion. 15 — On m’a dit qu’il vivait dans ce village. » Professeur d’université, spécialiste d’histoire pales- tinienne, son père enseignait à la faculté de Jérusalem. Homme à la voix et au rire tonitruants, à la forte carrure et au grand cœur, il avait récemment servi d’émissaire auprès des Britanniques dans une tentative visant à mettre un terme à l’immigration massive de juifs et à empêcher que la nakba ne se produise. Ses efforts avaient échoué. « Mon père est mort. » Pour la première fois, Haddad surprit de l’inquié- tude dans le regard impassible de son prisonnier. « Je l’ignorais. — Il y a quinze jours, il a placé le canon d’un fusil dans sa bouche et s’est fait sauter la cervelle, expliqua Haddad en exhumant de sa mémoire un souvenir qu’il aurait voulu oublier à jamais. D’après le mot qu’il a laissé, il ne supportait pas d’assister à la destruction de son pays natal. Il se tenait pour responsable de ne pas avoir pu arrêter les sionistes. Pourquoi avais-tu besoin de mon père ? demanda Haddad en braquant son revol- ver sur le visage de son prisonnier. — C’est à lui que je dois transmettre les informations que je détiens. Il est l’Invité. — Qu’est-ce que ça veut dire ? s’exclama Haddad, perdant patience. — Votre père était un homme éminemment respec- table. Un érudit, digne de partager nos connaissances. Voilà pourquoi je suis ici, pour l’inviter à les partager. » La voix calme de l’inconnu eut le même effet sur Haddad qu’un seau d’eau froide sur un brasier. « Parta ger quoi ? — Ça, ça lui est réservé, répondit l’inconnu en secouant la tête. — Il est mort. — Cela signifie qu’un autre Invité sera choisi. » 16 Le discours de l’inconnu n’avait décidément ni queue ni tête. Haddad avait capturé un grand nombre de juifs et les avait torturés pour apprendre ce qu’il pouvait avant d’achever d’une balle ce qu’il restait d’eux. Avant la nakba, Haddad travaillait dans une oliveraie mais, comme son père, le milieu universitaire l’attirait et il avait envie de poursuivre ses études. C’était devenu impossible, désormais. L’État d’Israël était sur le point d’être instauré, ses frontières définies dans le territoire ancestral arabe, les juifs se voyant visiblement attribuer par le reste du monde une compensation pour l’Holo- causte. Et tout cela aux dépens du peuple palestinien. Il nicha le canon de son arme entre les yeux de l’in- connu. « Je viens de décider que l’Invité, c’est moi. Dis ce que tu sais. » Le regard de l’inconnu sembla le traverser et, l’espace d’un instant, un étrange malaise l’envahit. Cet émis- saire avait incontestablement déjà connu ce genre de dilemme. Haddad admirait son courage. « Vous menez une guerre superflue, contre un ennemi mal informé, déclara l’homme. — Au nom de Dieu, de quoi parles-tu ? — C’est au prochain Invité de le savoir. » Le milieu de la matinée approchait. Haddad avait besoin de repos. Il avait espéré apprendre de son prisonnier l’identité de certains membres de l’armée secrète juive, peut-être même celle des monstres qui avaient massacré les villageois la veille. Ces mau- dits Britanniques fournissaient des fusils et des chars d’assaut aux sionistes. Pendant des années, ils avaient interdit la détention d’armes aux Arabes, ce qui les avait sévèrement handicapés. Certes, les Arabes étaient en supériorité numérique, mais les juifs étaient mieux pré- parés et Haddad craignait qu’à l’issue de cette guerre, l’État d’Israël ne voie sa légitimité reconnue. Quand il plongea les yeux dans le regard inflexible de 17 l’inconnu, un regard qui ne s’était jamais dérobé au sien, il sut que l’homme était prêt à mourir. Il lui était devenu bien plus aisé de tuer depuis quelques mois. Les atroci- tés commises par les juifs l’aidaient à apaiser le peu de conscience qu’il lui restait encore. Dix-neuf ans, à peine, et déjà un cœur de pierre. Mais la guerre, c’est la guerre. Il appuya sur la détente. 21 1 Copenhague, Danemark Mardi 4 octobre, de nos jours 1 h 45 Cotton Malone se retrouvait face à son pire cauche- mar. Sur le seuil de sa boutique se tenait son ex-femme, la dernière personne sur terre qu’il s’attendait à voir. Il remarqua immédiatement la panique dans son regard las, se souvint des coups frappés à la porte qui l’avaient tiré du sommeil quelques minutes plus tôt et pensa immédiatement à son fils. « Où est Gary ? voulut savoir Malone. — Espèce de salaud. Ils l’ont enlevé. À cause de toi. Ils l’ont enlevé, répéta Pam en se jetant sur lui, ses poings serrés lui frappant les épaules. Pauvre type. » Malone la prit par les poignets pour mettre un terme à l’agression alors qu’elle éclatait en sanglots. « C’est à cause de ça que je t’ai quitté. Je pensais en avoir fini avec ce genre de chose. — Qui a enlevé Gary ? » Les sanglots redoublèrent. Il tenait toujours son ex-femme par les bras. « Pam, écoute-moi. Qui a enlevé Gary ? — Comment veux-tu que je le sache, bon sang ? — Que fais-tu ici ? Pourquoi n’as-tu pas contacté la police ? — Parce qu’ils me l’ont interdit. Ils ont dit que si je 22 tentais quoi que ce soit dans ce sens, Gary était mort. Ils ont dit qu’ils le sauraient et je les ai crus. — De qui s’agit-il ? » Elle se dégagea d’un geste brusque, le visage blême de colère. « Je l’ignore. Tout ce qu’ils m’ont dit, c’est d’attendre deux jours avant de venir te remettre ceci », expliqua-t‑elle en fourrageant dans son sac dont elle tira un téléphone portable. Des larmes inondaient ses joues. « Ils ont dit que tu devrais te connecter à Internet pour vérifier ton courrier électronique. » Avait-il bien entendu ? Il alluma le téléphone pour vérifier la fréquence. L’appareil était suffisamment puissant pour recevoir des messages du monde entier. Il était perplexe. Soudain, Malone se sentit vulnérable. La Højbro Plads était calme. À cette heure tardive, il n’y avait pas âme qui vive sur cette place de Copenhague. Il émergea de sa torpeur. « Entre », ordonna-t‑il en entraînant Pam dans la boutique avant de fermer la porte. Il n’avait allumé aucune lumière. « Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t‑elle d’une voix hachée sous l’effet de la peur. — Je ne sais pas, Pam. À toi de me le dire. Notre fils a apparemment été enlevé par Dieu sait qui et tu attends deux jours avant d’en parler à quelqu’un, non ? Ça ne t’a pas paru dément ? — Je n’avais pas envie de mettre sa vie en danger. — Moi si, peut-être ? Dis-moi quand cela m’est déjà arrivé. — En étant égal à toi-même », rétorqua-t‑elle, gla- ciale, et Malone se rappela instantanément pourquoi il ne vivait plus avec elle. Un détail le frappa soudain : elle n’était jamais venue au Danemark. « Comment m’as-tu trouvé ? — Ils m’ont dit où tu vivais. — De qui parles-tu, bon sang ? 23 — Je ne sais pas, Cotton. Deux hommes. Il n’y en avait qu’un qui menait la danse. Grand, brun, nez épaté. — Américain ? — Comment suis-je censée le savoir ? — Comment s’exprimait-il ? — Non, pas américain, répondit-elle, en semblant se reprendre. Ils avaient un accent. Des Européens. — Que suis-je censé faire de ça ? fit Malone en dési- gnant le téléphone. — Il a dit que tout deviendrait clair quand tu véri- fierais ton courrier électronique. » Pam lança un regard nerveux aux rayonnages qui s’élevaient dans la pénombre. « Il faut monter, n’est-ce pas ? » Gary lui avait certainement expliqué qu’il vivait au- dessus de son magasin. Lui ne risquait pas de l’avoir fait. Ils ne s’étaient parlé qu’une fois depuis qu’il avait fait valoir son droit à la retraite du ministère de la Justice et avait quitté la Géorgie l’année passée ; c’était deux mois plus tôt, lorsqu’il avait raccompagné Gary aux États- Unis à la fin des vacances d’été. Elle lui avait froidement annoncé qu’il n’était pas le père biologique de Gary, mais que celui-ci était le résultat d’une aventure qu’elle avait eue seize ans plus tôt pour se venger de son infidé- lité à lui. Il luttait depuis lors avec ce démon et n’avait pas encore réussi à accepter toutes les implications de la nouvelle. Mais à l’époque, il avait pris une décision : il n’avait plus l’intention d’adresser la parole à Pam Malone. Ce qui devrait être dit, il le dirait directement à Gary. Mais manifestement, la situation avait changé. « Ouais, il faut monter. » Ils pénétrèrent dans son appartement et il s’installa au bureau. Il alluma son ordinateur portable et attendit que le système démarre. Pam s’était enfin reprise. C’était tout à fait elle. Ses émotions se succédaient par vagues, 24 de sommets vertigineux en abysses sidéraux. Elle était avocate, comme lui, mais tandis qu’il travaillait pour l’État, elle gérait les procès à haut risque de certaines des entreprises américaines parmi les plus prospères. Lesquelles pouvaient donc se permettre de s’offrir les services exorbitants du cabinet qui l’employait. Lorsque Pam s’était lancée dans des études de droit, il l’avait crue influencée par sa propre décision, par son désir de mener la même vie que lui. Par la suite, il avait appris que c’était un moyen pour elle de conquérir son indépendance. C’était du Pam tout craché. L’ordinateur était lancé. Il accéda à sa boîte aux lettres électronique. Vide. « Rien. — Que veux-tu dire ? lança Pam en se précipitant vers lui. Il a dit que tu devais vérifier ton courrier. — C’était il y a deux jours. Au fait, comment es-tu arrivée jusqu’ici ? — Ils avaient un billet d’avion déjà réservé. » Malone n’en croyait pas ses oreilles. « Tu es cinglée ou quoi ? Tout ce que tu as fait, c’est leur laisser deux jours d’avance. — Tu ne crois pas que j’en suis consciente ? hurla Pam. Tu me crois complètement stupide ? Ils m’ont dit que mes téléphones étaient sur écoute et que l’on me surveillait, que si je ne suivais pas leurs instructions à la lettre, Gary était mort. Ils m’ont montré une photo de lui. » Sa voix se brisa et les larmes inondèrent de nou- veau ses joues. « Son regard… Oh, ce regard, balbutia- t‑elle, la voix entrecoupée de sanglots. Il avait peur. » Le cœur de Malone battait la chamade et ses tempes lui brûlaient. Il avait intentionnellement abandonné une vie de dangers quotidiens à la recherche de quelque chose de nouveau. Cette vie l’avait-elle rattrapé aujour d’hui ? Il agrippa le rebord du bureau. Qu’ils craquent
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