La revue 100 Numero 3 - Page 1 - La revue 100% Auteurs Numéro 3 du 15 mars 2011 p. 2 Sommaire - Couverture : Michèle SEBAL - Edito : Clément CHATAIN, page 3 - Evénement, page 5 - Illustration : Sylvia BALDE, page 6 - Poésie : Jean-Baptiste FERRAN, page 7 - Interview : Pierre CHALMIN par Clément CHATAIN, page 8 - Nouvelle : Marie Baillet, page 14 - Chronique : Dictionnaire des injures littéraires, Pierre CHALMIN, par Clément CHATAIN, page 17 - Auteurs en dédicaces, page 20 - Participation, page 23 - Livre du mois, page 24 p. 3 La revue 100% Auteurs Vous êtes certainement nombreux à connaître François BRUSNEL, directeur de la rédaction du magazine Lire et animateur de la Grande librairie sur France 5. Chaque jeudi, je rejoins la minorité (assurément) de téléspectateurs ne pouvant manquer de regarder ce numéro hebdomadaire. J’éprouve également une certaine délectation en le lisant dans le magazine Lire... Seulement voilà, lors de son dernier éditorial, il nous expliquait son mécontentement face aux politiques qui félicitent Houellebecq, mais qui laissent à l’abandon la maison de Colette. Il nous exposait une liste d’arguments honnêtes et respectables, mais… Pourquoi, François, je contemple dans votre magazine littéraire ou émission télévisuelle uniquement les grands écrivains, ou du moins des auteurs édités par d’importantes maisons d’édition ? Moi aussi, cela me fait mal au cœur de voir des maisons d’écrivains célèbres abandonnées de tous, alors que tant d’argent de l’État Français disparaît dans une face sombre à sauver un capitalisme à la dérive, accordant ainsi plus d’importance à l’irrationalité financière qu’au plaisir littéraire. Mais François, sérieusement, ne pensez-vous pas ignorer une partie de la littérature contemporaine dans vos écrits et vos mots? À part faire découvrir une librairie dans chaque émission, que faites-vous pour les auteurs talentueux qui sont en marge du système? p. 4 Certains ont beaucoup de talent comme ceux présents dans cette revue, et je pense à eux qui méritent d’être reconnus d’un plus large public. Ce n’est pas une histoire de communication : c’est le plaisir de faire découvrir aux lecteurs du sang neuf que je vous reproche. Quand j’ai lu votre édito, j’avais une phrase de KAFKA qui raisonnait dans ma tête, et depuis, elle ne me quitte plus : « Je ne suis rien d'autre que littérature, je ne peux et ne veux pas être autre chose. » Je crois malheureusement que, contrairement à Marie qui nous propose une revue remarquable, placée sous le signe du partage, de la simplicité et de l’excellence, vous n’êtes pas complètement littérature. Excellente lecture à tous. Clément CHATAIN p. 5 Evénement p. 6 Illustration Réalisée par Sylvia BALDE (Illustratrice pour la Communication, la Presse, l'Edition, l'Evénementiel, la Mode) p. 7 Poésie Mon vampire adore Mon vampire adoré m’appelle, Un numéro masqué : oui ! Une beauté fatale qui veut de vous, Oui ! Un rendez-vous. Assis sur une chaise usée, Un tailleur, des escarpins, du Chanel vaporisé, Elle rentre dans son bureau climatisé, Sa main gauche ferme la poignée. Elle sait que je suis consentant, Comme tous ses clients, J’ai déjà dit : oui ! A son penchant pour le sang. Elle plante ses canines dans ma carotide, La sensation délicieuse au départ, Devient insupportable et perfide, Elle aspire mon sang, le regard hagard. Des prélèvements automatiques de mon sang, Tous les débuts de mois elle ponctionne patiemment, Quelques gouttes pour mon assurance-vie surement, Bon sang ! Elle me plait, Quand je la quitte, Ma banquière détestée, Mon vampire adoré. Jean Baptiste FERRAN p. 8 Interview d’auteur : Pierre CHALMIN Pierre CHALMIN, à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Dictionnaire des injures littéraires (L’éditeur), a eu la gentillesse de répondre à quelques-unes de mes questions. 100% Auteurs : Comment est née l’idée de ce dictionnaire ? Pierre CHALMIN : L’idée est ancienne déjà, je l’ai eue il y a une dizaine d’années. J’avais en tête le mot de Léautaud : « Aimer, admirer, respecter, c’est s’abaisser. » J’étais révolté par la complaisance stipendiée de nos pseudo-critiques littéraires. J’ai voulu présenter les hommes célèbres, les gloires incontestées, sous la plume de leurs pires détracteurs. Je me rappelais aussi le mot de Chamfort : « La postérité n’est jamais qu’un public qui succède à un autre ; voyez ce que vaut celui d’aujourd’hui. » Bref, je voulais donner un coup de pied dans la fourmilière des idées reçues, bousculer le lecteur, qu’il comprît que les notoriétés se fabriquaient, qu’on n’était pas tenu de prendre pour argent comptant la réputation de tel écrivain consacré, tel poète réputé, tel peintre exposé au Louvre. Que la culture, c’est d’abord d’oublier toutes les conventions d’admiration et se forger ses propres critères. Enfin, la méchanceté, par définition plus lucide que la bonté, est un excellent excitant littéraire. On fait de bons mots avec de mauvais sentiments, c’est connu. 100% Auteurs : Comment es-tu arrivé à rassembler l’ensemble de ces injures ? As-tu eu une méthode bien précise ? p. 9 Pierre CHALMIN : En lisant !… Quant à ma méthode, je suis au regret de confesser qu’elle fut fantaisiste. Si j’ai puisé systématiquement chez certains méchants réputés, de Voltaire à Cocteau en passant par Sainte-Beuve, les Goncourt, Flaubert, Barrès, Zola, Céline, Gide Mauriac ou Léautaud, j’ai repris des notes éparses, tenté de remettre la main sur un millier de citations paresseusement cornées dans quelques centaines d’ouvrages dont certains avaient entre-temps disparu de ma bibliothèque… Bref, une irritante impéritie, qui explique les lacunes nombreuses de ce Dictionnaire qui aurait dû avoir trois fois le volume qu’il a. Mon éditeur n’a pas souhaité d’autre part faire entrer dans cet ouvrage un grand nombre d’inconnus que je ressuscitais pour la beauté des outrages qu’on leur avait décernés. 100% Auteurs : Pourquoi avoir souhaité ne pas limiter finalement ce dictionnaire aux pures figures littéraires ? Pierre CHALMIN : Je regrette que le titre de ce dictionnaire prête à confusion : il s’agit d’un dictionnaire des injuriés, je n’ai jamais eu d’autre projet en tête et n’ai pas « finalement » décidé d’élargir mon sujet… Le titre initial était : Dictionnaire des Injuriés. Mon éditeur en a changé sans me consulter. Il avait au moins une bonne raison à cela : celle de pouvoir décliner l’idée si cet ouvrage marchait. C’est ainsi qu’on m’a annoncé que paraîtrait bientôt un « Dictionnaire des injures politiques »… Il s’agit de marketing et de rien d’autre. 100% Auteurs : Quelle est ton injure préférée dans ce dictionnaire ? p. 10 Pierre CHALMIN : La longue épître qu’adresse Fénelon à Louis XIV (p.391-398) : il se met à la place de Dieu le Père, c’est l’altitude idéale et la seule position possible pour outrager un Roi de droit divin, celui qui passait pour le plus grand de la Terre. Une prosopopée sublime. Le Jugement Dernier avant l’heure. Les griefs de Fénelon sont historiquement et moralement fondés, et son français est un pur délice, ce qui ne gâte rien. Pour reprendre un mot de La Bruyère que je place en épigraphe : « La moquerie est de toutes les injures celle qui se pardonne le moins. » Les injures moqueuses ont ma préférence : elles témoignent du sang-froid de l’insulteur qui loin de se laisser emporter par la haine ou la colère, ne vise qu’à ridiculiser son adversaire. La missive de Voltaire du 30 août 1755 à Rousseau, réfutant allégrement la théorie de l’homme perverti par la société et qui se termine sur une invitation à venir à Ferney « brouter nos herbes » (p. 589), est un modèle du genre. J’ai souvent été injurié dans ma vie. Chaque fois que je décelais la hargne de mon ennemi, sa volonté de me faire du mal à tout prix, j’éclatais de rire ! Il avait perdu : il me haïssait, j’occupais par conséquent son esprit (si peu qu’il en eût) bien plus qu’il n’occuperait jamais le mien : il ne me restait qu’à le mépriser… 100% Auteurs : As-tu eu des limites, te disant : « Cette insulte, je ne peux pas la mettre… », et si oui, pourquoi ? Pierre CHALMIN : J’ai sans doute censuré de mon propre chef quelques injures que je jugeais trop bêtes, à l’encontre d’auteurs qui me sont chers. p. 11 Mon éditeur quant à lui a eu des scrupules commandés par le droit pénal ou l’idéologie actuelle. Beaucoup d’injures antisémites ont été supprimées, évidemment liées à un contexte historique déterminé. Des injures misogynes ou « homophobes » également. Il paraît que de Gaulle et/ou les Arabes sont aussi à ménager aujourd’hui. Cette injure a par exemple été supprimée : « Qu’est-ce que les Arabes ? Les Arabes sont un peuple qui, depuis les jours de Mahomet, n’ont jamais réussi à constituer un État… Avez-vous vu une digue construite par les Arabes ? Nulle part. Cela n’existe pas. Les Arabes disent qu’ils ont inventé l’algèbre et construit d’énormes mosquées. Mais ce fut entièrement l’œuvre des esclaves chrétiens qu’ils avaient capturés… Ce ne furent pas les Arabes eux-mêmes… Ils ne peuvent rien faire seuls. » (Charles de Gaulle cité par Cyrus Sulzberger, Les Derniers des Géants) Je m’y attarde parce qu’elle jugeait autant l’insulteur que les injuriés. C’est ainsi que beaucoup d’outrages que j’appellerais des « auto-injures », ont sauté, le lecteur dans sa parfaite bêtise n’étant pas censé comprendre qu’il y avait de l’ironie dans le choix du compilateur, et qu’en somme l’insulteur se ridiculisait tout seul… Enfin, on pourrait parler des injures auxquelles j’eusse finalement renoncé, celles qui visent nos contemporains : « On a toujours un peu honte de citer des noms qui dans cinquante ans ne diront plus rien à personne. » (Baudelaire) 100% Auteurs : Comment perçois-tu le milieu littéraire actuellement ? Pierre CHALMIN : Comme un milieu au sens mafieux du terme.
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