La revue 100 Numero 21 - Page 1 - La revue 100% Auteurs est destinée à présenter au public des auteurs non ou peu connus. 2 Sommaire - Couverture : Michèle SEBAL - Billet du mois : Présentation de Lisa GIRAUD TAYLOR, page 3 - Nouvelle : L’étoile filante de Caroline DIONNE, page 12 - Trinôme Editions : Nouveaux ouvrages, page 14 - Chronique : Come-Back par Grégoire MULLER, page 15 - Nouvelle : Le temps qui reste de Gilles BRANCATI, page 19 - Chronique : La patience de Mauricette par Marie BARRILLON, page 28 - Poésie : Petit vampire de Marie-Odile de FLERANGE, page 32 - Auteur à suivre : La poésie se joue des mots d’Eve de LAUDEC, page 33 - Poésie : Ange rebelle de Corinne CHAMPAGNE, page 34 - Auteurs : My Major Company, page 36 - Appel à texte : NL Edition Numérique, page 40 - Salon : Salon du livre de Somain, page 41 - Concours littéraires, page 42 - Participations, page 43 - Livre du mois : Taxi pour un ange de Tony COSSU, page 44 - Partenaires, page 45 3 Billet du mois : Présentation Nous avons fait le choix de nous doter d’une nouvelle rédactrice, et pas n’importe laquelle cela va de soi. D’aucuns qui la connaissent seront ravis de la retrouver dans la revue. Pour les autres, il serait surprenant qu’ils ne l’apprécient pas. Elle a une plume hors du commun, et parfois même hors norme. Une bonne dose d’humour en plus, qui ne nous fera sûrement pas de mal en ces temps difficiles, voire laborieux. Plutôt qu’un long discours, nous vous la présentons au travers de deux textes de sa composition que nous nous sommes permis de réunir ici et qui parlent d’elle… évidemment. Elle, c’est Lisa Giraud Taylor ! Applaudissements, s’il vous plait ! Sachez tout de même, qu’elle ne réalisera pas de chroniques de livres mais qu’elle alimentera les pages de votre revue par des articles sur des sujets ayant toujours un rapport avec la littérature, bien sûr. L’équipe de la revue Comment je suis devenue auteur ? Je vais éviter l’habituel : « Je suis née auteur » (oui, auteur, pas auteurE… Il ne faudrait pas me chercher dans le camp de la féminisation des noms !). Même si cela est un peu vrai… Petit résumé familial (et attention, nous sommes des originaux !) : entourée de grands cousins et leurs petites copines, j’ai donc appris à lire, à écrire et à compter à trois ans. Je savais déjà mes tables de 4 multiplication à cinq ans et j’écrivais couramment, sans problème majeur, à 6 ans. La littérature est une seconde nature chez nous avec un large et divers choix de livres à tous les étages et dans tous les meubles imaginables (français, anglais, irlandais, russe, italien, hongrois). Des classiques, des nouveautés, des raretés et des tonnes de livres d’Histoire. Bref, tout ce qu’il faut pour occuper une petite fille lors des longues soirées d’hiver en Périgord (je rappelle qu’il fait très froid l’hiver dans ce joli bout de terre). J’avais donc pour occupation dès mon septième anniversaire d’écrire des petites histoires sur les animaux (coccinelles, escargots, entre autres) ou des petits poèmes (ma maîtresse de CM2 en avait gardé et me les a redonnés il y a quelques mois… Trop mignons !). Une des vieilles cousines de mon grand-père disait régulièrement : « Cette petite écrit ses mémoires ! ». Bref, j’ai toujours su quoi faire lorsque j’avais dix minutes : écrire. Cela et prendre des photographies avec mon premier appareil photo. A dix ans, je rédigeais des histoires courtes basées sur les films ou les dessins animés. Je les prolongeais en mettant ma patte et je trouvais cela absolument « génialissime » de les réinventer à l’infini. Je suis évidemment passée par tous les stades : du génie à la nullité absolue, de l’envie à la fureur, de l’excitation d’une lecture à la peur bleue de décevoir. Puis, j’ai compris vers quatorze ans que je ne devais écrire que pour moi, pour m’extirper ces histoires de mon pauvre cerveau (qui a dit malade ?) sans penser à ceux qui les liraient. De toutes les façons, je ne les faisais lire qu’à mes grands- 5 mères. Elles étaient de très bonnes critiques, et je n’avais pas d’appréhension devant elles. A cette époque, j’ai décidé de créer mes propres histoires avec mes personnages, leurs émotions et leurs vies et j’ai découvert le fabuleux destin d’un auteur : se laisser porter par les personnages qui vous imposent petit à petit leurs visions et leurs envies. Oui, je vous assure, même si je peux être très disciplinée et/ou péremptoire dans mon écriture d’un roman (idée directrice, noms, prénoms, fonctions, bases familiales, contextes, habits, physionomies, etc.), j’ai été surprise de constater que ces derniers arrivaient à m’obliger de modifier mon déroulé. Cela peut sembler étrange mais un personnage n’est pas une (réellement ?!) prolongation d’un auteur (rarement dans mon cas, sinon je serais schizophrène !) mais un être à part entière. Et, comme chaque individu, il fait des choix qui appliquent la théorie de « l’effet papillon »… sans tenir compte de mon avis (évidemment !). Donc, j’ai continué à écrire des romans, des histoires courtes, des poèmes, des impressions ; J’ai disserté sur des sujets d’Histoire (mon cursus universitaire) et j’ai approfondi mon appétence pour les mots et les créations. Etant amoureuse de mon village d’enfance (et berceau d’une infime partie de ma famille), j’ai, à la demande de ma grand-mère maternelle, décidé de rédiger une monographie et j’ai entrepris de long périple (p…… cinq ans) entre archives poussiéreuses (bonjour les éternuements et les boîtes de kleenex !), les livres anciens à dénicher et lire (et l’évanouissement devant le prix affiché !), les traductions latines (Celerius quam asparagi cocuntur !), les photographies à prendre, les entretiens des anciens, les poilus à dénombrer et à retrouver où qu’ils se trouvent (et qui sont devenus « mes hommes »), etc. 6 Le bonheur est arrivé un matin où, après deux longues semaines à envahir la maison familiale à tous les étages par mes brouillons, feuillets, archives et annexes, j’ai eu sous les yeux : mon livre. Encore fallait-il trouver un éditeur ! J’ai eu de la chance puisqu’un éditeur régional avait passé ses vacances dans mon village et sa famille y avait possédé une maison. Coïncidence ou non, nous avions évoqué mon livre et il avait suivi mon cheminement grâce, notamment, à mes achats de ses publications. Je vous passe sur la facilité avec laquelle j’ai été acceptée par le comité de lecture et le peu de relecture et correction(s) qu’il avait demandé, pour essayer de décrire le sentiment lors de la vision de « son » livre. J’ai encore du mal (quatre ans après) à me dire que cela émane bien de mon travail, de mon écriture, de moi, tout simplement. C’est un sentiment à la fois d’excitation (c’est moi, c’est moi !), de peur (Oh, merdus, personne ne va aimer !), de fierté (je suis un génie !) et de regrets (ah, et si j’avais pu retrouver ce papier aux archives !). Je suis restée figée une heure à regarder la couverture et à me dire « nom d’un petit bonhomme ! ». Mais cette monographie ne résume pas ma vie d’auteur. Ma réelle propension à l’écriture se trouve dans mes romans (enfermés dans mes tiroirs et lus par un cercle très restreint, pour l’instant ! Ne me demandez pas pourquoi, sinon, je vous ponds un bulletin sur « la 7 névrose de l’auteur ! »), dans mes poèmes, dans mes photographies et dans mes bulletins sur mon blog. J’ai entrepris un blog car j’ai un trop-plein de mots et écrire un roman demande de longues heures de concentration (pour ma part, c’est Wagner ou Liszt à fond la caisse ou tout simplement une seule chanson en boucle pendant des mois – quand j’écris uniquement bien sûr… Je ne suis pas encore, totalement, névrosée ! Par exemple, j’ai écouté « I bet you look good on the dancefloor » de Arctic Monkeys pendant quatre semaines, jours et presque nuits, pour mon avant dernier roman ! C’est dire le traumatisme qui me guette !), du temps (et croyez-moi, c’est ce qu’il manque le plus dans nos vies quotidiennes désormais régies par la technologie), et de l’énergie (thé sur thé, café sur café, vache qui rit® sur vache qui rit®). Je suis heureuse avec mes mots, mes stylos (oui, j’écris encore au stylo quand je rédige un roman ; l’ordinateur étant réservé aux bulletins, articles et chroniques musicales), mon cahier, mes feuilles, mes chansons et mes idées. Je suis un auteur épanoui, même modeste, même inconnu (enfin uniquement connu dans mon coin du Périgord), je profite au maximum de cette chance pour participer au Salon du Livre (à Paris et ailleurs), répondre aux demandes de renseignements sur l’Histoire de mon canton, sur les recherches que j’effectue encore sur mon village et son Histoire. Je suis juste une amoureuse des mots et de ce sentiment de laisser une petite trace de moi quelque part dans le cœur et l’esprit d’autres personnes (fussent-elles dix !). Alors, si j’ai un conseil… N’hésitez pas à écrire. Même si cela est insipide, insignifiant ou même mal écrit. Vous le faites avant tout 8 pour vous-même, pas pour être célèbre et célébré, ou alors, ce n’est pas vraiment vital pour vous. Et cela serait bien dommage. Oh My God ! Je suis un auteur névrosé Je dois déjà être particulièrement bien atteinte, car j’ai une tendance naturelle à me fâcher avec mes personnages et, après avoir lutté contre (ou avec, cela dépend) eux, les enfermer dans un tiroir, au chaud. Pour la première névrose, je me dois de vous expliquer mon cheminement intérieur. Déjà, choisir le prénom d’un personnage me semble toujours énigmatique. J’ai une idée, puis une autre, et je choisis. En tout état de cause, ce dernier refuse le prénom au bout de quelques pages et m’oblige à revoir ma copie. Evidemment, s’appeler Germaine ou Samantha ne va pas produire le même effet, mais qui est le chef ? Lui ou moi ? La réponse est effectivement : lui ! Ensuite, je me bats pour continuer le déroulement de l’histoire selon mon interprétation, ma vision et surtout ma projection de fin. Que pensez-vous qu’il arrive dans quatre-vingt pour cent des cas ? Le personnage principal (oui, je ne reçois pas d’ordre des seconds couteaux, je ne suis pas masochiste, non plus !) décide de n’en faire qu’à sa tête et, au choix, d’éliminer l’autre personnage essentiel, trahir, se vendre au plus offrant, se trucider ou, pire, être lâche. 9 A ce point, je sens à chaque fois la crise de nerfs arriver à grands pas et je me dis qu’au bout de deux ou trois cents pages, je ne mérite pas « tout ça ! ». D’aucuns me diront que je n’ai qu’à m’imposer dans la relation (d’autres sont déjà en train de contacter le service psychiatrie le plus proche !) et de ne pas abandonner la partie. L’autre problème vient du fait que j’aime passionnément mes personnages principaux. L’un d’entre eux est typiquement le genre de mecs qui me ferait partir sur un autre continent juste en susurrant un « Tu viens ? ». Quand j’ai imaginé le thème, le déroulé et les personnages, il était un type ordinaire, secondaire et qui mourrait en cours de route, mais il a survécu et il s’est imposé dans la conception de l’histoire, avant que mes petits stylos prennent le pouvoir sur mon cerveau (lent… Je sais, celle-là tout le monde la fait, mais cela m’amuse toujours !). Il est arrivé à se glisser au sommet de la liste des récurrents et il a pris un pouvoir et un espace incroyables au point que j’en sois, un peu, tombée raide dingue à mi-chemin. D’où ma névrose quand il a fallu lutter pour sa survie et son avenir. Dans un premier temps, je l’avais un peu épargné (oui, j’ai encore un pouvoir de décision) mais il a voulu se sacrifier ; Du coup, j’ai un peu râlé (Non mais, c’est moi le chef, merdus !) et il est resté, là, planté comme un idiot. Bref, il pouvait être reconnaissant, je l’avais sauvé du grand naufrage. Cependant, il arrive que des personnages soient abjectes, immatures, mauvais, et lâches (toutes les qualités requises pour me plaire !) et que j’ai aucune envie de cohabiter avec eux. Malheureusement, comme je l’ai expliqué dans un autre bulletin, 10 je peux vivre avec eux pendant des mois. Ils hantent mon esprit, occupent une partie de mon crâne et s’entremêlent avec les autres au grand dam de la personne qui partage ma cuisine. Car, mine de rien, cela prend de l’espace ce genre d’écriture… et ne parlons même pas de l’obsession musicale… Tiens, oui, juste un mot sur ce chapitre. Certains auteurs ont besoin de silence, d’autres de musique sans paroles, et les derniers (dont je fais partie) peuvent tout écouter en écrivant. Mes obsessions musicales font que je suis péremptoire envers tout élément se rapportant à mon sujet (y compris la garde-robe que je dessine). Très souvent, un titre musical s’impose de lui-même en majeure partie parce qu’il influence ma vision et mon humeur. Je donnais la référence du morceau « I Bet You Look Good On The Dancefloor » d’Arctic Monkeys, parce que c’est récent. Mais, par exemple, en ce moment (hormis les dernières chansons de blur, dont je suis une inconditionnelle depuis 1990, mais bon, passons !), je me focalise sur les chansons des années Trente. Un bonheur absolu en fait. J’ai besoin de ce vivier pour m’aérer et me plonger dans l’environnement d’un roman. Non pas que mon prochain roman est ancré dans ces années-là (quoiqu’il débute en 1937) mais les paroles cadrent parfaitement à l’idée que je me fais de l’ambiance et des personnages (le prochain qui bouge, je le liquide dès la quatrième page !). Je me dis que je suis partie pour minimum trois ou quatre mois à écouter en boucle, pendant mes horaires « auteur de romans non publiés », cette chanson ce qui relève de la torture mentale (volontaire, je vous rassure. Ce qui pose à nouveau la possibilité d’une névrose avancée !). L’autre point évoqué était l’enfermement dans un tiroir. Et là, on touche du doigt le problème majeur. Depuis que j’écris, je n’ai pratiquement jamais voulu partager mes romans avec un public plus 11 large que mon cercle de lecture restreint (quatre amis, mon papounet – qui râle à tous les coups, et quelques personnes de-ci de-là). Récemment, je me suis avancée vers une connaissance qui bosse dans le milieu de l’édition et je lui ai soumis mes romans (enfin deux d’entre eux… Ah, oui, pour information, j’en ai sept dans les tiroirs !). Mais mon Dieu, pourquoi ai-je fait cela ? Je m’en mords les doigts tous les jours. Non pas que j’ai peur que l’on me refuse ou que l’on me dise « C’est nul ! », mais j’ai principalement la trouille d’entendre un « Je prends, c’est bon ». La peur de voir son travail lu par plus de dix personnes me bloque totalement. Serais-je encore capable de produire d’autres feuillets si j’étais publiée pour mes romans ? Et puis, ne sont-ils pas mes « enfants » ? En bonne mère louve, je refuse de voir étriller mes petits sur la place publique ! Alors, oui, cela relève indubitablement d’un traumatisme et il serait de bon ton de m’en soucier (à quarante deux ans, bientôt, cela va faire cher le traitement par rétroactivité !). Au Diable les angoisses et les regrets ! Ce qui est fait, est fait. Je revendique juste le droit de pouvoir disposer encore un peu de mes personnages pour mon usage exclusif et de réserver mes œillades à mon personnage préféré sans avoir une quelconque concurrence avec une donzelle plus jolie (ce qui n’est pas difficile) que moi. Lisa GIRAUD TAYLOR Le blog de Lisa : http://lisagiraudtaylor.blogspot.fr/
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