Premieres pages de Anais Nin, genèse et jeunesse - Page 1 - de Sophie Taam De LA MêMe AuTeuRe Ouvrages Archéologie d’une faille, roman, éditions Incognito, 2011 Sexuel transfert, roman, éditions Incognito, 2009 Textes Anaïs Nin et la performance; revue Mobile Album N°3, février 2014 Les paradoxes de l’approche institutionnelle des performances, revue Inter N°116, février 2014 De l’ego – L’ego de la guerre est-il celui de l’art ? essai, revue Lou Can, septembre 2012 Perspectives on Anaïs Nin – The diary, fiction, performance, and contemporaneity, en anglais dans la revue américaine A cafe in space, The Anaïs Nin Literary Journal N°9 sous le nom de plume de Dahlia Berg, mars 2012 Qui a peur d’Anaïs Nin ? essai, revue Etoiles d’encre N°47-48 sur le thème Féminin/masculin, novembre 2011 Poèmes Née coupable, dans la deuxième édition de Femme… tu deviendras de Dora Pannozzo-Mochon aux éditions F.e.e.L, 2002 Biographie sur www.sophietaam.com Sophie Taam Anaïs Nin Genèse et jeunesse © Éditions Chèvre-feuille étoilée 34080 Montpellier bureau@chevre-feuille.fr http://www.chevre-feuille.fr mars 2014 ISBN : 978-2-36795-002-0 « Il était une fois une femme qui avait cent visages. À chacun, elle n’en montrait qu’un seul, si bien qu’il a fallu une centaine d’hommes pour écrire sa biographie. » Anaïs Nin, Journal d’une jeune mariée, 20 avril 1931 « Je me console en notant qu’à l’âge de vingt ans Proust a écrit un livre, Les Plaisirs et les Jours, qui est aussi sentimental et aussi pauvre qu’Aline. » Anaïs Nin, Journal d’une jeune mariée, 1er août 1929 I « J’ai de l’encre dans le sang. » écrit Anaïs Nin à dix-huit ans. Pour Anaïs, l’écriture remplit une fonction vitale et organique. elle est entrée dans le « labyrinthe de son journal » à l’âge de onze ans et n’en ressortira plus jusqu’à la fin de ses jours à soixante-quatorze ans. Des milliers de pages auront été noircies entre-temps, et ce journal d’une vie, rempli de people artistiques et littéraires de l’époque, rendra son auteure célèbre bien avant sa publication, la précédantd’uneauralégendaireetsulfureuse. Si l’œuvre et la vie d’un écrivain s’entremêlent inévitablement, peu sont aussi indissociables que celles d’Anaïs Nin, qui, citant volontiers Oscar Wilde, se targuait de mettre son génie dans sa vie et son talent dans son œuvre et d’« enregistrer » sa création (c’està-dire sa vie) par l’écriture de son journal. Anaïs affirme dans son jeune âge que cette facilité littéraire coulait dans les veines familiales (son grand-père en « savant pauvre », son père en « critique musical » à la plume acérée), mais c’est pourtant la musique, qui, indéniablement, caractérise le don artistique des Nin et Culmell. Selon la légende familiale, cette dernière a même servi de flèche de Cupidon entre le père et la mère d’Anaïs. II C’est le coup de foudre qui frappe la femme detrenteetunans,RosaCulmellyVaurigaud, lorsqu’elle entend et voit ce jeune homme à l’allure négligée jouer du piano dans un magasin d’instruments à La Havane. L’aînée d’un marchand d’import-export danois aisé quiatentésachancedansleNouveauMonde d’alors, Cuba, Rosa joue dans la fratrie le rôle de la mère absente, chassée du domicile familial après avoir été surprise avec l’un de ses innombrables amants. Cette dernière, étonnamment indépendante pour son temps, a alors abandonné ses cinq enfants et vit une existence libre à La Havane. Rosa, cultivée comme ses quatre jeunes sœurs, a bénéficié d’une éducation cosmopolite aux États-unis et en France, parle couramment le français, l’anglais et l’espagnol ; elle a abondamment voyagé dans sa jeunesse et son statut de « sacrifiée » secondant son père dans la tenue du foyer et l’éducation 12 de ses sœurs la dispense d’une certaine manière de l’obligation sociale du mariage. elle est musicienne, possède une belle voix de soprano dont elle régale ses invités lors de réceptions mondaines dans la splendide propriété familiale. José Joaquin Nin y Castellanos, le jeune homme dont elle s’est éprise, est le fils aîné d’un officier de cavalerie espagnol et d’une femme cubaine. À l’issue du baptême de son fils à Barcelone, le père décide d’y rester et devient professeur de mathématiques, écrivant quelques livres « atroces », selon les dires de ses proches, à ses heures perdues. Son fils Joaquin montre un talent précoce pour le piano et étudie la musique au Conservatoire de Barcelone : à treize ans, une première apparition dans un lieu prestigieux, à dix-sept ans son premier concert solo, suivi d’un autre à dix-neuf, sa carrière semble bien lancée, mais elle est interrompue brutalement quand le jeune virtuose doit s’enfuir pour La Havane après avoir séduit l’une de ses jeunes élèves – déjà ! Pour se refaire une réputation, il abandonne son deuxième nom, Castellanos, même s’il est entretenu après son retour à Cuba par ses riches cousins Castellanos, et devient simplement Joaquin Nin. Il survit en jouant de la musique et c’est ainsi qu’il 13 rencontre Rosa Culmell, de neuf ans son aînée, dans le magasin de pianos de La Havane. Il est tout d’abord attiré par l’une des plus jeunes sœurs de Rosa, mais, lucide, perçoit bien l’intérêt de rentrer au sein de cette famille de notables cubains qui le mettra à l’abri du besoin et pourra sustenter ses immenses ambitions artistiques. De plus, même s’il n’est probablement pas amoureux de Rosa, il admire son courage, sa force, son intelligence et sa culture musicale. Après l’avoir écouté chanter, il convainc Rosa qu’elle possède la voix d’une chanteuse professionnelle et ils préparent ensemble un concert lyrique qui aura lieu le 2 avril 1902. Le 8 avril, ils convolent à l’église de Monserrat à Cuba. Comme cadeau de mariage du père de Rosa, ils reçoivent assez d’argent pour aller s’établir à Paris, y acheter un piano à queue, et voir venir pendant quelques mois. D’ici là, les jeunes époux n’en doutent pas, Joaquin pourra subvenir à leur besoin. III La première querelle du couple éclate sur le bateau en route vers l’europe, lorsque le capitaine prie Joaquin de donner un concert et que celui-ci, au grand dam de son épouse, répond péremptoirement : « Je ne joue pas pour des paysans. » elle ouvrira le bal d’une longue série de différends. La seconde intervient dès leur arrivée en France. Joaquin a des goûts de luxe et a décrété qu’à Paris, capitale artistique mondiale de l’époque, il faut vivre à Neuilly-sur-seine, la banlieue chic. Rosa, qui tient les cordons de la bourse, refuse, et le couple s’installe dans un modeste appartement à Saint-Germaindes-Prés. Mais Rosa, enceinte d’Anaïs, fuit le conflit et finit par se plier aux desiderata de son mari : ils déménagent à Neuilly peu avant la naissance de leur enfant. Anaïs naît le 21 février 1903 à Neuilly. un bébé n’était pas inscrit dans le plan de carrière de l’ambitieux et ombrageux Joaquin,
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