BSCNEWSJUIN2012 - Page 6 - BSC NEWS MAGAZINE JUIN 2012 : Pierre Michon, Nicolas Lormeau, Barbara Canepa, Raphaële Atlan Sébastien Giniaux, Anna Merli, Margerite Abouet, Guylaine Girard, 6 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 END : acronyme qui lie tragiquement la destinée de trois jeunes filles: Elisabeth, Nora et Dorothea. Récit bouleversant d’adolescentes héritières d'un passé sombre. Pour ce triptyque - dont vient de paraître fin mai le premier volet - Barbara Canepa s'est associée à Anna Merli. Ensemble, elles ont imaginé un univers aussi inquiétant qu'attirant, aux frontières de la vie et de la mort, dans lequel errent des êtres hybrides et écorchés vif : une jeune femme aux mains bandées pour ne pas mettre en danger ceux qui la toucheraient, un chat aux pattes-queue de serpent, un crapaud - têtard et une chauve-souris aux pattes de poulet tâchent de cohabiter dans un mausolée d'architecture victorienne. Doit-on pleurer, trépigner, hurler ou rester taiseux au coeur de la solitude mélancolique qui enserre le lieu dans lequel semble condamnée à rester Elisabeth? Qu'attend-on d'elle? Est-elle une sorte de fantôme ? Pourquoi a t-elle échoué là , suite à sa mort? De quoi est-elle décédée si jeune, si fraîche, si belle? Et pourquoi a -t-on l'impression qu'elle n'est pas vraiment morte? Voilà une histoire qui sait ménager le suspense et suscite pour notre plus grand plaisir des interrogations multiples! Un album génial qui rend hommage à la vie, par éclaboussures de notes lumineuses graphiques, alors que la mort règne en maître ! Un petit bijou graphique et poétique! Lors de notre lecture ont surgi ces mots d'Edmond Rostand: "C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière". En effet, au coeur du désespoir, à l'ombre du deuil et des désillusions, End laisse toutefois entrer des volutes de lumière, éclaire les fenêtres d'halos rassurants et nous invite à croire en la vie jusque dans les soubresauts ultimes d'un rouge-gorge altruiste. Entretien avec deux jeunes femmes italiennes de grand talent qui nous éclairent sur leur création! Propos recueillis par Julie Cadilhac / © END /Canepa/Merli/Mc Productions Rencontre BD BARBARA CANEPA & ANNA MERLI 7 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 Allez, pour commencer, si Barbara présentait Anna et Anna présentait Barbara... BARBARA : Anna est une amie. Et, pour moi, cela veut tout dire. ANNA : Barbara est quelqu’un d’intelligent, de génial, de profond et de généreux. Et elle a aussi beaucoup d’autres qualités.... Monter un projet de bande dessinée toutes les deux , c'est quelque chose qui vous trottait dans la tête depuis longtemps?Vous aviez travaillé avant chez Disney ensemble? BARBARA : Nous ne l'avons pas vraiment créé ensemble.J'avais ce projet à l'esprit déjà depuis de nombreuses années , bien avant de connaître Anna , mais je crois que j'avais peur de l'affronter seule. C'était quelque chose que j'avais besoin de dire aux autres et à moi-même et qui flottait , sans parole, dans les limbes de mon esprit. Je savais pourtant qu'un jour ou l'autre, le moment venu , il serait sorti des tiroirs... C'est ce qui s'est produit le jour où j'ai vu des illustrations de "Tinker Bell" faîtes par Anna , lors d'un meeting Disney de cinq jours , dans l'un des nombreux hôtels de luxe où chaque année nous nous réunissions afin de parler des prochains projet de Disney. De cette rencontre fortuite est née END sous la forme que vous connaissez aujourd'hui , ainsi qu'une grande amitié entre Anna et moi- même. ANNA : Nous n’avions jamais travaillé ensemble avant de faire End. Nous nous étions déjà rencontrées et saluées mais nous ne nous connaissions pas. Si vous aviez un souvenir à raconter , lié à ce travail commun, lequel serait- ce? BARBARA : Les rires et les pleurs que nous avons partagés. Il s'agit vraiment d'un projet que nous avons ressenti et dont nous avons accouché ensemble. 8 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 9 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 Un livre sincère, aussi bien sur le fond , sur sa véritable raison d'être, que sur la forme graphique. Le plus beau souvenir ? Anna et moi, perdues au coeur du cimetière de Gênes, toute une journée, à prendre des photos sous la pluie, à dessiner des tombes, à chercher dans cette atmosphère unique, propre à un lieu merveilleux et si mélancolique qu'est Staglieno. ANNA : Les souvenirs sont n o m b r e u x . J e m e s o u v i e n s particulièrement de notre rencontre mais également de la fin de cette collaboration une fois le premier tome imprimé. Quand nous avons commencé à parler du projet, nous ne savions pas grand chose l’une de l’autre. Mais il y a eu une curiosité réciproque pour mener à bien ce projet. Nous devions absolument apprendre à nous connaître. On ne peut bien connaître une personne qu’après avoir vécu ensemble des expériences. Cela tient de l'affection, de la confiance et de l’estime. Cette collaboration avec Barbara m’a p e r m i s d e g r a n d i r e t a considérablement renforcé le lien qui nous unit toutes les deux. Un travail graphique à deux mains, comment cela s'organise ? BARBARA : Grâce à la magie! Non, je plaisante.Avec beaucoup de patience, et de confiance réciproque. 10 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 Il n'y a pas d'autres secrets... Anna et moi sommes toutes deux illustratrices et avons beaucoup de choses en commun graphiquement parlant. Il n'a donc pas été difficile de créer l'univers graphique de END ensemble.... Il y a des choses qui ont été faîtes à deux , et d'autres qui appartiennent à chacune d'entre nous.Mais nous ne dirons pas lesquelles. Pour nous, END et le projet de deux artistes qui rassemble l'ensemble de nos expériences. Aucune illustration n'est le fruit du hasard , une fois par exemple , Anna a trouvé dans son jardin un rouge - gorge mort , elle m'en a envoyé une photo... C'était très beau, même en l'absence du battement chaud de son petit coeur. Sa mort nous a toutes les deux beaucoup touchées. J'ai ainsi pensé à m'en servir pour une illustration qui fait aujourd'hui partie du livre et que vous trouverez à la fin... Cet animal a une véritable signification concernant l'histoire , porteur de nombreuses métaphores sur qui nous sommes et sur ce que nous deviendrons. Mais vous comprendrez tout cela seulement en lisant l'histoire. ANNA : Ce travail n’a pas été facile. Il a été à la fois laborieux, intense et très agréable. Cela demande une grande confiance et une connaissance réciproque. Lorsque je lis le scénario de Barbara pour le dessiner, il est nécessaire que je visualise et que je pense comme elle le ferait elle-même. Une fois que j’ai 11 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 12 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 terminé, Barbara approuve ou corrige les dessins. C’est seulement après que nous passons à la réalisation des vignettes définitives où elles sont, là encore, enrichies de dessins et de couleurs. Avec quelles matières avez vous travaillé et pourquoi? BARBARA : Papier, encre de couleurs achetées chez des antiquaires (celles d'époque restent les meilleures) , aquarelles, écolines, crayons, acryliques , et beaucoup b e a u c o u p d e p h o t o s h o p . . . L'intervention de ce dernier outil est visible sur cette simple image , avant et après. Concernant les illustrations (de couvertures ou celles des animaux : Painter +photoshop). ANNA : Pour ma part, j’ai utilisé du papier, de l’aquarelle, des pinceaux, des penninis et des crayons. Barbara s’est servie d’aquarelles, d’ecoline et Photoshop. Nous avons souhaité marier le passé avec le présent. Car ce que nous savons aujourd’hui est le fruit du passé. L'histoire d'Elisabeth est ancrée et nous n’avons pas vu d’autre façon d’exprimer cette impression désuète. Avec les outils dont nous disposons de nos jours, nous parlons un langage accessible à tous. Comment est née graphiquement Elisabeth Weatherley? Quelles ont été vos sources d'inspiration? Vous souvenez-vous d'un moment clé dans cette recherche ? 13 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 BARBARA : Elle était dans ma tête. Il y a des choses qui ne pouvaient être autrement , comme par exemple , ses cheveux blancs. Une particularité propre à ma famille , du côté maternel, que l'on se passe de génération en génération. A 16 ans, nos cheveux deviennent tout blanc. Les miens le sont totalement, comme ceux de ma mère , et comme l'étaient ceux de ma grand-mère, dès son plus jeune âge. On appelle ça les "femmes aux cheveux de Lune." Pour ce qui est du reste , Anna et moi avons fait beaucoup de recherches. Mais Elisabeth est arrivée très vite ! Il n'a pas été difficile de lui donner vie , au contraire! Lorsque nous l'avons "trouvé ", j'ai senti qu'il manquait quelque chose : je voulais , en fait qu'elle ait une caractéristique forte sur le visage , afin de ne pas l'oublier facilement. C'est ainsi que j'ai ajouté cette rougeur autour de ces yeux , sur ses joues , afin que cela rappelle la couleur du sang , l'essence même de la vie. ANNA : J’ai le souvenir d’avoir imaginé Elisabeth quelques heures seulement après ma rencontre avec Barbara. Aujourd’hui, c’est un personnage très éloigné de ma première idée. Barbara a choisi Elisabeth entre plusieurs propositions que je lui ai faites selon ses indications. Quand j’ai dessiné Elisabeth, je n’étais pas du tout certaine que celle-ci serait choisie. J’ai du me réapproprier Elisabeth pour la dessiner à nouveau. Par la suite, je me suis apesantie pour la découvrir et la connaître. Notre inspiration est venue des fillettes de dessins animés que nous aimions à l’âge de 13 ans. 14 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012 15 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 48 - JUIN 2012
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