BSCNEWS OCTOBRE 09 - Page 2 - Spécial Noir et blanc avec Stéphane Plassier, Naïm Kattan, Catherine Mavrikakis, Richard Hervé, Juan Carlos Hernandez, Pierre Gable, Alexandra G, Naoyuki Ogino, photos en ligne, portfolio noir et blanc EDITO DE NICOLAS VIDAL 9 octobre 2009 Copyright photo D.CRESPIN Ce mois-ci, nous avons plongé consciencieusement dans un sujet si vaste qu’il en devient grisant : le Noir & Blanc. Au début, on nous a demandé de préciser, de filtrer, de synthétiser. Mais justement non ! Nul besoin de laisser derrière nous ou, en aval des mots, un fil rouge pour nous repérer et, en quelque sorte, nous rassurer. Tout devait être nouveau et instable. Il nous fallait nous ouvrir toutes les p e r s p e c t i v e s , t o u t e s l e s déclinaisons et tous les sens du noir noble et du blanc immaculé. Et comme le dit très justement Stéphane Plassier, l’un de nos invités et pas des moindres, « C’est avec ce registre infini de noir que j’ai eu envie de dialoguer...». Nous y avons ajouté le blanc. Et ce fut une immense quête que de se représenter le Noir & Blanc et éviter au mieux les clichés qui nous assaillent. Avant la construction de ce numéro, j’avais une conception purement visuelle de ce thème. Des photos aux vieux films, le noir et blanc résidait pour moi entre ces deux mondes si familiers. Et voilà qu’Arnaud Taeron vous dit que « L'absence de couleur implique qu'il n'y ait pas de rayonnement visible par nos yeux, le dessin reste assez brut et du coup, on peut gagner en force». À point nommé pour balayer nos préjugés et notre vision globale de ce qui pourrait limiter nos émotions à comprendre l e s s e n s i b i l i t é s d e c e t t e ambivalence. Et Arnaud Taeron de continuer « Le noir et blanc exacerbe certains sentiments sans que le réel ne les parasite ou ne les perturbe». Il ne restait plus qu’à braver le thème en dialoguant, en discutant et en interviewant des photographes, des artistes, des musiciens et des écrivains pour s’approcher de la dimension artistique du Noir & Blanc et de sa portée. « Le film vit. Et de ce noir et blanc sortent des voix, des murmures, et le rendent vivant » écrit Nicolas Bodou, notre chroniqueur cinéma. Et voilà une raison supplémentaire de t r a v e r s e r l a g r è v e d e n o s incertitudes pour atteindre la plage et découvrir ô combien ce thème est passionnant. Ce numéro présente une idée du Noir et Blanc parmi tant d’autres. Cependant sa vocation à vous faire découvrir de nouveaux horizons ne tergiverse pas. Nicolas Vidal « Tout devait être nouveau et instable. Il nous fallait nous ouvrir toutes les perspectives, toutes les déclinaisons et tous les sens du noir noble et du blanc immaculé.» STÉPHANE PLASSIER STÉPHANE PLASSIER EST L’UN DE CES ARTISTES POLYVALENTS, TOUCHE À TOUT MAIS POUSSÉ PAR UNE IRRÉSISTIBLE PASSION POUR LE NOIR ET POUR TOUTES LES DÉCLINAISONS QUI COMPOSENT SA PROFONDEUR. IL A CE SOURIRE JOVIAL, CETTE FIÈVRE DANS LA VOIX DE LA PASSION. ET NOUS L’AVONS RENCONTRÉ POUR UNE INTERVIEW PLAISIR ET PASSIONNANTE SUR CETTE COULEUR, LE NOIR QUI NE NOUS QUITTE FINALEMENT JAMAIS. STÉPHANE PLASSIER IS BLACK. PAR NICOL AS VIDAL Stéphane Plassier, vous êtes designer, créateur, artiste, plasticien. D’où vous est venue cette polyvalence artistique ? Vraisemblablement du ciel gris et bas de ma Bretagne natale, j’ai eu l’intuition qu’il y avait derrière la masse nuageuse la couleur, le soleil et des horizons chantants, peut-être même des anges dont on poserait les ailes sur la légendaire sirène mythique de nos océans. En bref, derrière cette barrière noire tout était possible… Dans mon souvenir, depuis enfant, j’ai toujours fait de la couture, assemblé des pierres avec du fil de fer, peint le coucher de soleil sur les pierres tombales du cimetière du village. Du coup, pourquoi en grandissant serai- je devenu mono maniaque ? Je n’ai aucune envie de brider mes envies ! En 1987, vous créez votre marque. Qu’est ce qui vous a poussé à vous lancer ? Mon culot et mon insolence. Stéphane Plassier L’INTERVIEW L’ARTISTEDUMOIS9octobre2009 Par Nicolas Vidal/ Visuels Set In Black L’interview Arrivé à Paris en 1981 avec une génération spontanée de Rennais, j’étais passionné de mode depuis toujours, depuis l’atelier de la modiste de mon village, celui du tailleur, les costumes dans les films etc, tout cela me séduisait au plus haut point mais je ne savais vraiment rien de précis, en fait, sur la mode. Puis, j’ai animé une émission de radio sur une radio libre, radio Cité 96 qui s’appelait « Vivement dimanche » ! et qui donnait les « bons plans » à faire le dimanche, en fait surtout des trucs et des astuces pour faire ce qui était interdit…. comme, par exemple, d’aller voir les défilés de mode sans invitation ! J’ai expérimenté mes propos et je suis donc allé aux défilés, sans invitation et j’ai – immédiatement - eu envie de ça. J’adorais le théâtre du Rond-Point, comme lieu, je suis allée voir Madeleine Renaud et elle a accepté de me prêter son théâtre pour mon premier défilé. C’était en 1985. Et puis l’autre grand déclic, plus professionnel celui- là, s’est produit à peu près un an après ce défilé. Une amie commune, Sheila Hack m’a présenté Jacques Tiffeau – couturier formé par Dior et parti aux USA après sa mort où il est rapidement devenu la coqueluche du tout Hollywood en passant par Marlène ou Marylin qu’il habillait. J ’ a i a l o r s commencé à travailler avec lui tous les matins – que je sorte des b a i n s - douches ou d ’ a i l l e u r s , j’étais chez lui à 6 heures tapantes et il m’apprenait les secrets de son métier. Et puis un jour, il a estimé que j’étais au point, que j’étais prêt ; il a alors battu le ban et l’arrière-ban de toutes ses connaissances, m’a fait une salle magnifique et j’ai fait mon premier vrai défilé salle Wagram en 1987. Vous considérez le prêt-à-porter comme un objet. Et on lit de vous que « vous avez une envie permanente de faire partager « à tous ceux qui s’aiment » votre manière de penser le vêtement. Pouvez-vous nous en dire plus ? C’est vrai que j’ai toujours pensé le vêtement comme un objet. Au point de le dessiner systématiquement dans un univers : si je dessine une robe, je peux la dessiner sur une femme assise, mais j’ai aussitôt besoin de dessiner aussi la chaise sur laquelle elle est assise, le sol de la pièce et la pièce elle-même. Le vêtement dans ce cas là, fait alors partie de l’inventaire des objets qui constituent une pièce. Sur quelles valeurs repose la Maison Stéphane Plassier ? La paresse – de ceux qui travaillent beaucoup, l’orgueil – de toujours mieux faire, la gourmandise, la luxure, la générosité, la colère – contre l’intolérance et le manque de respect et l’envie ! Parlons design. Qu’est ce qui vous plaît dans la façon de détourner les objets de notre quotidien ? J’aime le twist parfois imperceptible qui permet de donner une seconde vie à un objet déjà existant, c’est le cas, par exemple, de la méridienne sur laquelle j’ai greffé une causeuse, pour qu’au plaisir de la position alanguie, s’ajoute celui du voyeur. J’aime l’humour aussi qui consiste à s u p e r p o s e r l a fonction du « valet » et du prie-Dieu dont, à l’évidence, les f o r m e s s’entrechoquent et la dérision d’une chaise à un pied surélevé, appelée miséricorde, sur laquelle le prêtre se posait autrefois dans les églises tout en paraissant debout. On lit que « la Maison Stéphane Plassier est le lieu d’expression d’un certain art de vivre revendiqué. » Pour vous, que doit ressentir quelqu’un qui pénètre dans ce lieu d’expression ? La première idée qui me vient, c’est qu’à la fois le visiteur doit se sentir accueilli par des objets et un univers qui lui semble familier mais également interpellé par une sorte de seconde lecture qui apparaît en filigrane. On s’aperçoit alors d’un parcours jalonné de surprises, de points d’interrogations et de réponses à ce qu’on ne cherchait pas forcément et qu’on a enfin trouvé. Si vous deviez définir brièvement en quelques mots la griffe de votre marque, quels seraient- ils ? Mon travail s’adresse à une multitude d’individus, à tout un répertoire de femmes élégantes, exécutives, casse-cou, rebelles ainsi qu’à leur pendant masculin. Il est en dehors des courants – mais souvent les précède. La sirène ailée qui est notre emblème rallie les signes d’air et d’eau. Une association un peu spectaculaire et bizarre où tout le monde peut, à un moment donné se retrouver. Qu’y a-t-il entre Stéphane Plassier et le noir ? Une grande connivence et un fort attachement. Aujourd’hui Set In Black « qui explore toutes les gammes du noir ». Quels sont les objectifs de ce projet ? Lancer l’affirmation du noir et de ses déclinaisons dans le prêt-à-porter ? Changer les habitudes et les codes vestimentaires ? Ou tout simplement marquer le point de départ d’une gamme novatrice ? Le choix de cette couleur m’est venu grâce à la maturité, c’est une couleur auprès de laquelle j’ai trouvé l’apaisement et une force dûe à son approche qui est infinie. Il n’y a pas un noir, mais des noirs et ce n’est pas par hasard si 40% des achats s’orientent vers la couleur noire (hommes et femmes confondus). C’est avec ce registre infini de noir que j’ai eu envie de dialoguer, du noir givré au noir mat, du noir brillant au noir blanchi, au noir saturé de couleurs qui le rende presque rouge, jaune ou bleu, au noir rompu au blanc, au glacis et jusqu’aux transparences qui lui donnent des profondeurs presque charnelles. Set In Black, c’est également une manière de présenter de la mode qui échappe au timing des collections printemps/été automne/hiver. Il n’y a plus de saisonnalités, mais une toile de fond noire, de 300 vêtements en maille sur laquelle viennent se poser des virgules, des ponctuations (série limitées, accessoires, pièce unique) en fonction de thèmes définis à l’avance (le noir de la torpeur, du deuil, du festin etc). C’est aussi un ancrage culturel, avec la Galerie Set In Black où interviennent mes créations mêlées à celles d’autres artistes dans différents domaines. Le lancement est audacieux et son programme passionnant. Quel est l’événement/seront les événements greffés à Set In Black ? Les premiers événements correspondent à chaque nouveau thème abordé (en ce moment, Punching Black, le noir de l’arbitre, de l’œil au beurre noir etc, puis nous passerons au noir de Soulages, puis au noir du festin etc). Set In black, c’est aussi un lieu d’échange, avec par exemple, ce projet de nuancier du noir entamé avec l’Ecole des Beaux Arts de Madrid et l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris qui se poursuivra tout au long de la « Black Caravane ». La « Black Caravane ». Invité par l’Institut Français de Madrid du 27 octobre au 24 décembre prochain, Plassier, dans ce lieu magnifique, reconstitue un vaste appartement dont chacune des pièces est dédiée à un noir différent, des comédiens diront des textes écrits pour l’occasion, des films seront projetées, des œuvres mises en place. La Black Caravane sera accompagnée d’une boutique éphémère ou tout ce qui est p r é s e n t é d a n s l ’ e x p o s i t i o n (vêtements, mais aussi les œuvres etc) sera mis en vente. Mais cette étape de la « Black Caravane » à Madrid, n’est que la première d’une longue série, puisque notre but est de poursuivre ces conversations autour du Noir à travers les différents instituts français disséminés à travers le monde et de laisser derrière nous, à chaque fois, un lieu dédié au noir dans chaque capitale. Propos recueillis par Nicolas Vidal Dans le noir, " mon esprit se meut avec agilité et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde, il sillonne gaiement l'immensité profonde..." Élévation de Charles Baudelaire "Mon esprit, tu te meus avec agilité, Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde, Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde Avec une indicible et mâle volupté." Définition du noir par Stéphane Plassier Attention, talent ! Aujourd’hui, tout le m o n d e s e v e u t i m p e r t i n e n t , m a i s presque plus personne n’est pertinent. Ce n’est pas le cas de Richard H e r v é , n i d e s o n spectacle, Collections. D’ailleurs, difficile de classer cette performance dans le noir ou le blanc de quelque catégorie préétablie. Si Richard Hervé incarne un seul personnage pendant plus d’une heure, ce n’est ni un one man show, ni du stand up, ni un seul en scène. Cet OTNI (Objet Théâtral Non Identifié) est en réalité une pièce à un personnage qui, par la malice de sa conception et de son écriture, en suggère toute une galerie tous plus hauts en couleurs les uns que les autres. Celui joué par Richard Hervé travaille dans la mode. Il tient une boutique de luxe dans la très prestigieuse avenue Montaigne – sinon, où aller ? De prime abord tête à claque, snob, séducteur, coureur, menteur, obsédé sexuel, un poil raciste et misogyne sur les bords, il est avant tout tendance et ne semble avoir que mépris pour ce qui n’est pas lui. Légèrement atteint du syndrome de Peter Pan, il refuse de choisir. Hommes, femmes, un homme SPECTACLE RICHARD HERVÉ « COLLECTIONS» Par Harold Cobert Copyright photo/ SANDRINE ROUDEIX «Une pièce à un personnage qui, par la malice de sa conception et de son écriture, en suggère toute une galerie tous plus hauts en couleurs les uns que les autres.» HAROLD COBERT - BSC NEWS MAGAZINE LE BILLET D’HAROLD COBERT une femme, deux femmes un homme, Xanax ou cocaïne, il veut tout, il les veut toutes et tous. Mais, au fil des scènes, de ses errances sexuelles et de ses tribulations sentimentales, sa trajectoire révèle des failles intimes profondes qui le rendent diablement attachant. Des zones d’ombres qui illuminent en un subtil dégradé de gris ces facettes apparemment noires et détestables, comme on passe des traits grossiers d’une caricature à un délicat portrait au fusain. De cette manière, il peut tout se permettre. Il dit des horreurs et pourtant on rit, on en redemande. Car son personnage n’est pas méchant pour le seul plaisir d’être méchant, ni odieux pour être bêtement odieux, mais parce qu’il souffre et que c’est là sa m a n i è re d e s e p ro t é g e r d e s a p ro p re hypersensibilité. Et tout le monde en prend pour son grade, lui le premier. C’est là toute la force du spectacle de Richard Hervé et l’intelligence de son écriture, souligné avec une nuance de clair-obscur par la mise en scène de Xavier Gallais : on ne rit pas de, mais on rit avec. Richard Hervé tape fort, mais toujours avec une bienveillance souriante. Il griffe, mais ne massacre pas. Il égratigne, mais ne blesse pas. Du coup, il touche juste. Et nous touche. HAROLD COBERT « Collections », de et avec Richard Hervé, mise en scène Xavier Gallais, Théâtre des Mathurins (36, rue des Mathurins, Paris 8e), Petite Salle, à 19 h du lundi au samedi et à 17 h le dimanche, relâche le lundi. Locations et Réservations : 01 42 65 90 00 Commandez ce livre immédiatement en cliquant ici PUBLICITÉ Votre êtes seul en scène pendant plus d’une heure. Pourtant, ce n’est ni un one man show ni du stand up. Comment définiriez-vous votre spectacle ? C’est une pièce de théâtre. On retrouve Xavier Gallais à la mise en scène, plus habitué aux textes et au théâtre « classiques ». Qu’a apporté la rencontre de vos deux univers à votre spectacle ? C’est un spectacle comique, mais « le théâtre, c’est le théâtre » ! Nos deux univers se sont retrouvés pour mieux cibler le personnage. Xavier m’a fait faire un travail p l u s e n profondeur, il a aussi fait éclore d e s c h o s e s a u x q u e l l e s j e n’avais même pas pensé en écrivant l a p i è c e . Finalement notre rencontre est un peu comme la fusion de deux « cuisines moléculaires ». Vous avez travaillé dans la mode, votre personnage travaille également dans la mode. Quelle est la part d’autobiographie et de fiction dans votre spectacle ? Dix ans dans la mode, ça marque !... Après, la part de réel et de fiction… Laissons le mystère… Votre personnage est une tête à claques. Il est snob, superficiel, un peu raciste, légèrement misogyne, bourré de préjugés, et, malgré tout, on s’attache à lui. Pourquoi et comment avez-vous construit un salaud sympathique ? C’était toute la difficulté de l’exercice… Alors j’ai essayé de trouver ses failles, ses faiblesses, qu’il cache sous sa pseudo carapace. Votre humour est à la fois acide et bienveillant. Par certains aspects et certaines outrances, il rappelle les grande heures d’un Pierre Desproges ou d’un Thierry Le Luron. Pensez-vous que l’on puisse aller aussi loin qu’eux aujourd’hui ? NON… Ou alors il faut ruser… Vous êtes-vous parfois censuré pendant l’écriture de votre spectacle ? Si oui, quelles sont les limites que vous vous êtes interdit de franchir ? A h l e f a m e u x « p o l i t i q u e m e n t c o r r e c t » q u i m’énerve ! Alors je me suis débrouillé pour le contourner, même si parfois, dans la salle, j’entends : « Oh non, il a p a s o s é ! ? » L’important, c’est que le rire suive, après évidemment il faut parfois aussi s’imposer des limites… mais bon, je m’en suis tout de même sorti… enfin je pense… Que diriez-vous aux lecteurs du BSC News Magazine pour leur donner envie d’aller voir votre spectacle ? Le spectacle commence à 19h, à 20h10 vous êtes au restaurant, vous me direz merci de vous avoir évité le fameux apéritif « alcool sucré et cacahuètes ». Avec moi, on passe directement au vin ! Propos recueillis par Harold Cobert HAROLD&L’ÉCRIVAIN11septembre2009 L’interview RICHARD HERVÉ Propos recueillis par Harold Cobert Copyright photo/ Karine Belouaar Commander l’ouvrage d’Albert Champeau
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