BSC NEWS Magazine JUIN 2010 - SPÉCIAL USA - Page 13 - Spécial USA - Avec Wells Tower, Nikolai Grozni, Eddy L. Harris, Lisa See, Hey Hey MY MY - La Grande Interview de Jérôme Garcin, Mountain Men, Hey Hey My My, Littérature US siècle, aussi bien en France qu'à l'étranger. D'ailleurs ce n'est pas un hasard si le cheval est un langage universel. J'ai beaucoup voyagé, monté un peu partout et je peux vous dire que je parle cheval aussi bien en Tunisie ou au Maroc qu'aux Etats-Unis. C'est quelque chose qui unit les peuples et les cultures sans aucune distinction de classe, c'est quelque chose d'universel et ça, je trouve que c'est une des plus belles choses que l'Histoire ait donné à l'humanité. Etienne Beudant est aussi intègre qu'Hérault de Séchelles est opportuniste. Le premier ne connaîtra pas l'amour, l'autre y aura droit comme un miracle. L'un est au coeur de l'action ,l'autre en est toujours écarté. Diriez-vous que vous aiguisez volontairement les caractères de vos personnages? Dans les deux cas, il y a un peu de caricature. J'ai fait de Hérault de Séchelles une caricature du cynique car ça m'amusait beaucoup de montrer que la palinodie politique, le fait de changer de veste à chaque tournant n'est pas l'apanage de nos politiques d'aujourd'hui et que c'était vrai aussi à cette époque. Hérault de Séchelles est capable de passer du roi au comité de salut public avec un sorte d'indifférence impressionnante. J'ai voulu noircir le trait parce que je trouvais amusant littérairement parlant de me glisser dans cette peau. De la même manière, c'est vrai que je pousse un peu le personnage de Beudant qui était un admirable écuyer - ça , c'est incontestable - mais j'en ai fait une sorte de mystique, d'amoureux d'absolu, d'idéaliste, un pur parmi les purs. Il y a un véritable lien entre ces deux personnages et ceux de tous mes autres livres qui ne sont pas des romans. Je pense à Gérard Philipe dans Théâtre intime, à Jean Prévost, à mon propre père, tous ont en commun mais ça, on ne le voit pas forcément à l'oeil nu, qu'ils ont eu des vies brèves et arrêtées. Je considère, en effet, que la vie de Beudant s'arrête quand il descend de cheval pour la dernière fois. Hérault de Séchelles est guillotiné à trente quatre ans, Jean Prévost meurt dans le Vercors les armes à la main à quarante ans et pour des raisons plus personnelles, la mort de mon frère jumeau, mon père qui se tue de cheval à quarante cinq ans, la mort à l'âge de trente six ans du père de ma femme, Gérard Philipe, que sans doute, de manière inconsciente , j'ai du mal à faire vieillir les personnages. J'ai toujours le sentiment que j'aime raconter des vies brèves, qu'elles soient réelles ou imaginaires et où j'ai le sentiment que plus elles sont brèves, plus elles sont pleines. Le vrai lien entre mes personnages, c'est cela, c'est un combat contre le temps incessant et la vraie L A G R A N D E I N T E R V I E W question est: qu'est ce qu'on fait de sa vie? à quoi ça sert? C'est autour de ces questions- là que tournent les obsessions. Vos personnages sont-ils toujours volages dans l'âme? Est-ce une nécessité pour le héros romanesque ce détachement des femmes? ce besoin de butiner? Est-ce parce qu'il est incompatible de se donner tout entier à un cheval et à une femme? C'est vrai que mes personnages sont le portrait d'êtres qui ont tout sacrifié à leur art, à la passion ,à leur engagement politique, à leur foi et que ça se paye. En même temps, on pourrait donner en contrepoint le livre que j'ai écrit qui s'appelle Théâtre intime qui est consacré à ma propre passion fixe, qui est celle que j'ai pour ma femme, Anne-Marie Philipe, depuis plus de trente ans donc, vous voyez, ce n'est pas aussi simple que ça. Cela dit, c'est vrai que dans le cas de Beudant, j'ai imaginé que cette féroce, ardente, folle et puissante passion du cheval passait par le sacrifice de tout le reste. Il n'y avait pas la place pour une femme aimée et une passion qui occupait tout. Enfin le magazine, ce mois-ci, ouvre un dossier spécial Amérique : vous évoquez Buffalo Bill dans ce roman et Etienne entretient une correspondance avec Calamity Jane: dans quelle mesure l'Amérique et ses cow-boys fascinent-ils le cavalier que vous êtes? Bien sûr que ce pays de cavaliers, je dirais même de centaures, me fascine: on ne sait plus, quand on regarde un western, que ce soit côté indien ou cowboy, où s'arrête l'homme et où commence le cheval. Dans le cas de Calamity Jane, j'avais été ému par les lettres que j'avais lues d'elle, j'ai donc greffé de manière naturelle - et en même temps un peu artificielle - une correspondance entre Beudant et elle, qui est totalement imaginaire. C'est un pays où le cheval est roi, un pays d'immenses étendues dont je persiste à penser qu'elles ne sont vraiment explorables qu'à cheval. Il y a d'ailleurs un bouquin formidable dont on parle rarement qui exprime un peu ce que je vous dis là et qui se nomme Autobiographie d'un cheval de John Hawkes dans lequel l’auteur parle à la place d'un cheval, à la première personne du singulier. Et s'il le fait si bien, je pense que c'est parce que John Hawkes appartient à ce pays, à ce peuple où l'homme se confond avec le cheval. L A G R A N D E I N T E R V I E W . Ci-gît une histoire de dingues où la bête à Bon Dieu est loin d’être une coccinelle… Le dernier texte d’Albert CHAMPEAU. 224 pages em- brumées d’un subtil voile de sperme vaporisé. Un univers à la six-quatre-deux, entre Eros et Thanatos. Éditions BSC ! Achetez ce titre directement en ligne >>> HEY HEY MY MY Propos recueillis par Nicolas Vidal / Photos Pierre Gable & D.R Les HEY HEY MY MY font partie de la nouvelle vague de la scène française avec tout de même une particularité qui mérite d’être notée, celle du mouvement libre de leurmusique. Il y a quelque chose d’entraînant et de rafraîchissant dans leur façon de faire passerdes morceaux très éclectiques. Il n’échappera pas aux avertis que le nom du groupe représente déjà un repère musical fort comme un clin d’oeil assumé à Neil Young pour sa phrase « Hey Hey My My, my rock&roll will neverdie.» Dans tous les cas, nous souhaitons au moins la même chose aux talentueux HEY HEY MY MY qui n’en finissent pas de faire parler d’eux, balançant leurs mélodies électriques sur les scènes françaises toujours en souriant. Lorsqu'on se renseigne sur le genèse d'Hey Hey My My, on prend rapidement conscience qu'il y a eu des étapes, des changements, une progression artistique importante et une grosse part de frénésie. Le titre de ce dernier album n'incarne t-il pas à lui seul l'histoire de votre groupe ? Julien Garnier: Oui, c'est vrai c'est un parcours avec des virages serrés. On s'est rendu compte qu'on voulait retrouver l'énergie rock de nos débuts et prendre encore plus de plaisir en live. Retrouver nos amours de jeunesse en quelque sorte. Migraine Institute, Bristih Hawaii puis H e y H e y M y M y, lequel d'entre vous est chargé de choisir le nom du groupe ? Julien Garnier: Migraine institute a été trouvé sur les bancs d'une école de commerce en plein cours de "négociation avec les américains". Avec du recul, on ne peut pas dire qu'on a été touché par la grâce d'une géniale inspiration avec ce nom.... British hawaii a été trouvé par un ami qui décrivait ma tenue vestimentaire sans queue ni tête: un pantalon de costume et des chaussures noires avec une chemise hawaïenne, Mister Bean en vacances.... Hey Hey My My a été choisi par Julien Gaulier pour la signification de cette chanson intrigante et pour la sonorité des onomatopées. Après vos nombreux projets artistiques, pouvons-nous dire qu'Hey Hey My My est l'aboutissement de vos envies et de votre musique ? Julien Garnier: C'est devenu une synthèse de ce qu'on aime faire: des chansons pop mais avec une énergie rock. Sur votre dernier album, on bascule entre le folk et l'électrique. Le nom de votre groupe est tiré de la chanson de Neil Young qui, elle aussi, comporte deux versions. Est-elle la base de Hey Hey My My ? Julien Garnier: Comme Neil Young, on ne s'interdit rien: faire un premier album avec des guitares acoustiques (comme Harvest) et un deuxième album avec des guitares électriques (comme l'album live Rust Never sleeps). En 1979, sur son live " Rust Never Sleeps", Neil Young rappelle que " Hey Hey My My, my rock & Roll will never d i e " . Q u e l e s t l a résonance de cette phrase dans votre création musicale ? Julien Garnier: Au premier degré ça résonne comme une furieuse envie de faire du rock quand on est sur scène. Après Neil Young critiquait probablement aussi de façon cynique le "rock and roll circus" à travers cette phrase et c'est vrai que le cirque rock avec ses codes pré- établis (le cuir, la coupe de cheveux et la fameuse rock and roll attitude figée et définie depuis 40 ans) nous rebute un peu. On vous sent totalement libéré dans vos morceaux sans aucune contrainte de style ou de mélodie dans l'air du temps. Vous jouez ce que vous aimez tout en prenant le contre- pied des styles établis ? N'est ce pas la recette de votre succès ? Julien Garnier: Nous fonctionnons de manière instinctive sans trop regarder ce que font les voisins, c'est vrai. Depuis votre rencontre à Bordeaux, quel a été le moment, la rencontre ou l'élément déclencheur qui a fait ce que vous êtes aujourd'hui ? Julien Garnier: Tout est parti d’une histoire de guitare. Nous ne nous connaissions pas et j'ai réalisé que la guitare de Julien de l'époque était la première guitare électrique sur laquelle j'avais joué 5 ans plus tôt. Cette guitare était passée par plusieurs mains entre temps. C'était un pur hasard. Un destin musical commun était né (c'est beau). Vous avez également associé votre musique au film de Xabi Molia sorti sur les écrans en avril. Comment s'est présentée à vous cette o p p o r t u n i t é e t q u ' e n r e t i r e z - v o u s aujourd'hui? Julien Garnier: Xabi Molia est venu nous chercher (ce qui nous a flatté!). Ce fut une expérience très intéressante de voir que certaines de nos chansons marchaient bien à l'écran. C'est passionnant de travailler sur le couple son-image. J'espère que nous ferons d'autres musiques de film. Avec toute cette frénésie et cette allégresse déployées, il est impossible de ne pas vous de ma nder sur quoi travaillez-vous aujourd'hui? Et à quoi devons-nous nous attendre pour les prochains mois ? Julien Garnier: Nous souhaitons en effet communiquer cette "allégresse" comme vous dites au plus grand nombre sur les routes: c'est ça notre programme. Que diriez-vous aux lecteurs du BSC NEWS MAGAZINE pour les inciter à se jeter sur a Sudden Change of Mood ? Julien Garnier: Si tu achètes deux disques, on joue dans ton salon. Pour finir, trois mots qui définissent au mieux votre formation ? Julien Garnier: rock mais sobre et gentil . SPÉCIAL USA LE DOSSIER Wells Tower, Dan Sartain, Lisa See, SHAKESPEARE & CO, Nikolai Grozni, Eddy L.Harris ... WELLS TOWER, LA NAISSANCE D’UN GRAND Propos recueillis par Nicolas Vidal / Photos Suzanne Bennett Wells Tower, assis derrière ses livres, arborent des lunettes d’aviateur où je ne vois que mon reflet. Il me tend poliment la main et lorsque je commence à tenter de pénétrer les secrets de son écriture, son sourire s’élargit, son débit s’accélère. Son enthousiasme à me répondre est une véritable bénédiction pour le passionné de littérature américaine que je suis. Entre le plaisir à lire ce premier livre et l’écrivain assis en face de moi, il n’y aucun recul, ni disparité. Wells Tower est bel et bien le futur grand écrivain américain que je pressentais. A ce compliment, il sourit presque gêné, s’empare de l’un de ses livres «Le lien fraternel» et me dit « Il faut absolument que vous lisiez celui-ci, il est le prolongement de l’une des mes nouvelles ». Il l’ouvre à la première page, prend un stylo et écrit « To Nicolas, with gratitude, Wells». A la politesse de cet homme charmant, je vous incite à plonger dans les lignes de Wells Tower. Ses premières nouvelles sont autant de bijoux pour la nouvelle littérature américaine. Et il y a fort à parier qu’il deviendra sous peu un écrivain incontournable au pays de l’Oncle Sam. LITTÉRATURE Wells, pouvez-vous nous expliquer le titre de ce livre ? J’ai découvert un texte qui parlait d’une histoire de Vikings qui ont débarqué en Angleterre. Après leur départ, les survivants ont utilisé cette expression pour décrire la situation de chaos qui régnait. J’ai trouvé cette phrase poétiquement très forte. Pourquoi avoir choisir le genre de la nouvelle pour votre premier livre, Wells ? C’est un genre qui pour mon premier livre me convenait parfaitement. C’était en somme un bon moyen de m’exprimer et d’aborder différentes histoires dans un seul livre. Je trouvais cela plus percutant. L e s c h u t e s d e v o s n o u v e l l e s s o n t t r è s é n i g m a t i q u e s . O n a l’impression à la lecture que la nouvelle à elle seule est une chute. Quel est votre avis ? Je pense que les lecteurs se prennent d’affection dans la nouvelle pour un personnage puis pour un autre. Il y a une sorte d’effet de balancier dans la lecture. J’ai essayé de trouver un équilibre dans cette approche de la lecture et de mes personnages. Même si ce ne sont pas des fins très classiques, je pense que le lecteur saura trouver par lui-même le destin qui attend les personnages. Est-ce que finalement vos personnages ne sont-ils pas des anti-héros ? Il n’y pas vraiment de héros mais plutôt des situations qui peuvent conduire les gens à réagir en héros. C’est bien souvent une histoire de malentendus. Dans la nouvelle «Un lien fraternel», n’est-ce pas une approche saisissante de la rédemption que vous avez voulu donner à cette histoire, Wells ? Ces deux frères souhaiteraient s’apprécier et s’aimer d’un lien fraternel mais leurs histoires respectives ne leur permettent pas d’accéder à cette envie pourtant partagée par les deux. Je n’avais pas prévu d’écrire un recueil de nouvelles. Mais j’ai trouvé qu’elles avaient toutes un point commun : l’amour du lien familial et des relations fraternelles. Pour rebondir, pouvez-vous nous éclairer sur la nouvelle intitulée « En bas de la vallée», quel est l’état d’esprit de ce père déchu, contraint d’aider son rival alors qu’il se retrouve en huis clos dans une voiture en présence de sa propre fille ? Le personnage veut montrer à son rival qu’il est lui aussi un bon père. Lorsqu’il tente de le défendre lors de la bagarre dans le bar, il est une nouvelle de plus humilié. Avez-vous prévu de passer au roman, Wells ? Oui pour mon prochain livre. Ce sera en effet un roman qui sera assez épais et qui parlera du lien familial et de la famille en général. Est-ce que vous allez vous servir de ce premier livre pour écrire le suivant ? Il y aura des situations et des émotions similaires dans mon prochain livre qui influenceront les personnages. Mais sûrement que je serais moins dur avec eux que je l’ai été dans « Tout piller, tout brûler». Quand est prévue sa publication ? J’ai commencé à travailler dessus mais il devrait paraître d’ici deux ans car ce sera manifestement un gros livre. NIKOLAÏ GROZNI, une écriture de l’exilPropos recueillis par Nicolas Vidal / Photos D.R Nicolai Grozni est à lui seul le fruit d’un métissage extraordinaire : bulgare, pianiste, un peu américain, moine tibétain et écrivain. Et le métissage a développé chez lui un sentiment d’exil aux quatre coins de la planète. Enfant prodige sous la régime communiste bulgare, pianiste promis à un avenir brillant à Boston puis moine en Inde, Nikolai Grozni revient sur ces années d’errance et d’exil pour fuir les systèmes sociaux en vigueur. La recherche de l’équilibre de Nikolai Grozni est un enchantement et une ode à la découverte de l’ailleurs. LITTÉRATURE Nikolai, vous êtes né à Sofia, vous êtes ensuite parti aux USA, puis en Inde et aujourd’hui vous vivez dans le sud de la France. Qu’est que ce parcours a apporté à votre écriture ? Oui, cela m’a beaucoup apporté. J’ai lu beaucoup de littérature russe et puis à mon arrivée aux USA, j’ai lu beaucoup de littérature américaine. J’ai grandi également dans un système totalitaire en Bulgarie et cela a été une grande inspiration pour écrire, pour penser. J’ai commencé à écrire à 20 ans. Mon père était chirurgien et écrivain. J’ai lu ses nouvelles et cela m’a aussi beaucoup enrichi. Alors que vous êtes promis à une grande carrière de pianiste aux USA, vous décidez de partir en Inde. Je suis un pianiste classique. J’ai remporté de nombreux prix dans ma discipline. Après la chute du Mur de Berlin, j’ai décidé de partir à l’Ouest en Amérique. J’ai gagné ma place à Berkeley pour jouer du jazz. J’ai également beaucoup étudié, et fait pas mal de compostions. Puis j’ai eu du mal à me faire à la philosophie capitaliste américaine autant qu’au communisme totalitaire de la Bulgarie. Pour moi, les deux systèmes étaient aussi repoussants l’un que l’autre, ce qui a précipité mon départ en Inde où j’ai appris le
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