BSCNEWS OCTOBRE - Page 23 - BSC NEWS MAGAZINE - OCTOBRE 2014 - 23 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 "Chacune de ses peintures débute par la recherche du point d'appui le plus fort, duquel découlera l'ensemble de l'image" : pourriez-vous nous expliquer plus en détail les mérites de cette technique que vous nommez " Alla prima", c'est bien ça? Alla Prima signifie que tout est peint en même temps (NdT : sans laisser sécher chaque couche, cela permet aux couleurs de se mélanger. Il peut s’agir de travailler l’ensemble de l’image en une seule fois, ou alors par zone sur l’illustration, l’intérêt étant de travailler sur des couches encore fraiches). Pour ce qui est de la composition, tout découle des croquis initiaux. Une fois qu’un croquis fonctionne bien, il devient un véritable guide, et, comme en architecture, il suffit ensuite de suivre le plan. Une fois que le crayonné est terminé, je le fixe avec une couche d’enduit acrylique. Si je fais une erreur, cette couche d’enduit me permet d’enlever facilement la peinture à l’huile et de rendre à nouveau visible le crayonné. Pour vos couleurs, vous effectuez des séries de photos pour capturer les effets de lumière... vous êtes donc également un expert en photographie?! Je ne dirais pas ça comme ça, mais j’ai dû apprendre à prendre des photos assez bonnes pour pouvoir être utilisées comme références. Mais un artiste ne peut pas se contenter de faire confiance à ses talents de photographe c a r u n e p e i n t u r e n ’ e s t p a s l a « Une peinture n est pas la représentation d une photo, mais plutôt une représentation d une réalité » Né dans le Kentucky, après deux ans de collaboration avec Gary Kelley chez Hellman Design Associates , Gregory Manchess débute une carrière d’illustrateur freelance en 1979. Ses illustrations ont notamment été invitées dans les pages du « Time », « The Atlantic Monthly », « Playboy », « Newsweek », « Federal Express ». Il a également illustré des affiches de films pour Paramount et Disney et un jour, le portrait qu’il imagine d’un jeune Sean Connery pour le film « A la rencontre de Forrester » va lui permettre d’être remarqué par l’acteur lui-même et, deux ans plus tard, « The History Channel » lui demande de créer des portraits des Tsars russes pour faire la promotion d’un de leurs documentaires. Gregory Manchess, connu pour son superbe travail des corps, a également travaillé à plusieurs reprises pour la « National Geographic Society ». En 2001, son nom figure dans une encyclopédie prestigieuse où figurent 140 ans d’illustration américaine : « Walt Reed’s The Illustrator in America : 1860-2000 » mais il est également détenteur de nombreux prix tels que le « Spectrum Award », le « Communication Arts Award » et le « Society of Illustrators New York Award ». Gregory Manchess, tout autant attiré par les beaux-arts que la science-fiction, révèle de surcroît dans son travail son goût pour l’Histoire. L’objectif fondamental de ce peintre autodidacte est de transmettre une émotion à travers une technique personnelle qu’il nomme « alla prima » et il essaie sans cesse de repousser les limites imposées par son pinceau pour se renouveler. Rencontre avec un artiste américain exigeant qui est exposé à la galerie Daniel Maghen ( Paris) jusqu’au 30 octobre 2014. 24 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 représentation d’une photo, mais plutôt une représentation d’une réalité. Je sers beaucoup de modèle pour mes peintures, et en plus, je suis facile à diriger ! Pour des projets plus spécifiques, je fais appel à un ou plusieurs modèles. Vous enseignez dans des séminaires sur la peinture, donnez des cours sur Internet et des conférences dans des universités américaines et vous organisez des ateliers de peinture au M u s é e N o r m a n R o c k w e l l d e Stockbridge : est-il quelques principes que vous avez tendance à répéter et qui vous semblent indispensables en tant que pédagogue? Je dis toujours “aucune question n’est taboue”, car je souhaite que les étudiants soient curieux à propos de tout et qu’ils n’aient jamais peur de demander des précisions. C’est important pour eux de commencer à avoir confiance en eux, c’est une bonne partie de mon travail. Je leur apprend à tout utiliser pour pouvoir exprimer l’image qu’ils ont en tête, comme par exemple la photo, le calque, etc. Au final, tout vient de leurs compétences en dessin, et cela prend énormément de temps. Ils prennent confiance au fur et à mesure, ce qui leur permet de bien peindre plutôt que de simplement se reposer sur leur talent. D'ailleurs enseignez-vous plutôt la technique ou l'histoire de l'art pictural? Quels grands noms sont des exemples incontournables pour Greg Manchess et pourquoi? Technique et histoire des arts sont entremêlés et doivent donc être étudiés en même temps, c’est inévitable au vu de toute la richesse de l’histoire de la peinture. Ce que j’enseigne comme t e c h n i q u e c o n c e r n e p l u s l a 25 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 composition plutôt que l’utilisation des outils, mais les étudiants posent beaucoup de questions sur le trait, les mélanges, la couleur et la lumière, ce qui génère de très longs débats. La peinture exige beaucoup de travail, tout comme la musique ou l’écriture. La liste des peintres indispensables est, à mon avis, extrêmement longue, c’est pourquoi je vais me permettre de la résumer pour le moment à Dean Cornwell, Mead Schaeffer, Bernie Fuchs, Norman Rockwell, Edwin Dickinson, Mucha, NC Wyeth, Heinrich Kley, Richard Schmid… Je dirais en raison de leur talent graphique et de la manière dont ils utilisent la peinture. Peinture et illustration, quelles différences faites-vous personnellement? Personnellement, je n’ai jamais ressenti de différence entre les deux, même si je la comprends. Dans le milieu artistique, la différence concerne majoritairement 26 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 l’aspect financier. En effet, les illustrateurs négocient leurs tarifs dès le début avant de se lancer à corps p e rd u , a l o r s q u e l e s p e i n t re s fonctionnent de manière inverse. Au final, les deux doivent quand même penser à l’aspect financier à un moment ou à un autre. Qu'exposerez-vous à la Galerie Maghen ? Il y aura aussi des œuvres créées exprès pour l'exposition : avezvous choisi un thème particulier ? Ces œuvres proviennent toutes de visions personnelles, pour lesquelles j’ai longuement réfléchi. Les idées pour certaines d’entre elles remontent à plusieurs décennies mais je n’avais pas eu l’opportunité de les réaliser pour une exposition… jusqu’à maintenant. J’aime profondément les histoires sur lesquelles quelques unes de ces peintures sont basées, comme par « Les illustrateurs négocient leurs tarifs dès le début avant de se lancer à corps perdu, alors que les peintres fonctionnent de manière inverse » 27 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 28 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 exemple 20.000 lieues sous les mers. Beaucoup d’autres proviennent de mes propres scénarios que j’ai commencé à imaginer, et j’apprécie bien entendu tout particulièrement la narration graphique. J’aimerais pouvoir publier et partager plusieurs de ces histoires à travers les peintures à venir… Cette exposition est également pour moi une opportunité d’explorer des idées et de découvrir si les thèmes sur lesquels j’aime travailler trouvent un écho au sein du public, afin de m’en inspirer pour de futurs travaux. 29 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 30 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Exposition Greg Manchess du 15 au 31 octobre 2014 Galerie Daniel Maghen 47 quai des Grands Augustins 75006 Paris Tel.: 01 42 84 37 39 Fax.: 01 42 22 77 86 Du Mardi au Samedi de 10h30 à 19h00 www.danielmaghen.com 31 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 RIFFREBSPAR JULIE CADILHAC BANDE DESSINÉE 32 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Et si, d'abord, vous nous racontiez votre histoire personnelle avec la mer (et l'océan) ? D'où vous vient cette fascination pour ce thème que vous déclinez (avec talent) depuis plusieurs albums? Bon, d'abord je vais être clair, je ne suis pas un marin. J'ai assez de respect pour cette vie si particulière pour ne pas confondre mes expériences personnelles avec les métiers de la mer. Ceci-dit ma vie sur les côtes normandes m'a occasionné plusieurs expériences qui viennent alimenter mes adaptations et mes dessins sur le sujet. Les choses ont mal commencé, j'ai failli me noyer au large d'Étretat lors d'une sortie en périssoire étant enfant. Ce lieu merveilleux a d'entrée pris une couleur bien sombre et m'a mis dès l'enfance en position de défiance face la mer. Mon père avait un bateau, au Havre, une petite coque de noix avec laquelle il m'emmenait à la pêche au maquereau e t r é c o l t e r d e s m o u l e s s u r d e gigantesques bouées au large du cap de la Hève. Ces sorties bien souvent épiques et parfois dangereuses ont été la source de fortes sensations bien utiles pour habiter mes derniers albums. En effet mon père à bien des égards peut être comparé à cet improbable Loup Larsen du Loup des Mers de Jack London. Mon plaisir naturel à me retrouver en mer était en permanence contrarié par les dures expériences que mon père m'y a fait vivre. J'ai aussi travaillé sur le port comme commis de quai dès 15 ans et j’ai donc fréquenté les lamaneurs et les dockers, rudes sensations là aussi. Petits convoyages et présence sur les remorqueurs font partie aussi de mon passé. Ces dernières années, pour des raisons de documentation, j'ai passé de belles journées à bord du Sagress, magnifique bateau école de la marine portugaise, et sur un vieux gréement bien connu des français, le Belem. Bien d'autres choses restent à dire sur mon lien avec la mer mais ma réalité est tout de même bien différente de mes fictions. Comment a débuté votre carrière d'auteur de BD? Dominique Duprez, dit Riff Reb’s est né à Burdeau, en Algérie. Quelques années plus tard, sa famille s’installe au Havre. Il intègre ensuite l’Ecole des Arts Décoratifs à Paris. En 1984, Riff Reb’s fonde avec Qwak l’atelier Asylum, bientôt rejoints par Cromwell, Ralph, Edith, Joe Ruffner... ils travaillent ensemble sur une série de dessins animés, Les Mondes engloutis. Puis son premier album est publié : le tome 1 du Bal de la Sueur. et en 1990, avec Parole de Diable, Riff Reb’s crée Myrtil Fauvette (Les Humanoïdes Associés). Depuis, il a notamment publié aux éditions Soleil « A bord de l’Etoile Matutine » d’après le roman de P.Mac Orlan( en 2009), « Le loup des mers » d’après le roman de J.London (qui a valu le Prix de la BD Fnac 2013) et, cette année, « Hommes à la mer », un recueil de huit adaptations de nouvelles de Conrad, Mac Orlan, Poe, Hodgson, Schwob et Stevenson. Aussi littéraires que poétiques, ces planches vont enivrer le lecteur d’écume iodée et d’histoires sombres! Le graphisme remarquable et minutieux de Riff Reb’s immerge immédiatement le lecteur et l’emporte dans des voyages enthousiasmants tandis que son génie de la mise en scène l’assoit définitivement comme un grand auteur dont nous sommes très honorés de la présence dans nos pages. N’hésitez plus, à l’abordage!
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