BSCNEWS OCTOBRE - Page 42 - BSC NEWS MAGAZINE - OCTOBRE 2014 - 42 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Il nous verse un jour noir plus triste que la nuit..." (ça correspond bien à l'ambiance des premières pages du prochain livre de Charles) Espérez-vous que les parents prendront le temps d'expliquer à leurs enfants de qui est inspiré Charles le Dragon? Avez-vous un côté pédagogue? Les enfants ont le temps pour découvrir Baudelaire. Pas de précipitation ! Un côté pédagogue, moi ? Je ne crois pas et je n'espère pas... en général les livres pédagogiques m'ennuient... Charles, comme son homonyme poète, n'est pas heureux sur terre et a besoin du ciel pour atteindre l'Idéal... c'est bien ça? Oui, il a besoin de solitude, de grands espaces, "d'horizons pleins de promesses". Dans le deuxième tome, il rencontre le cyclope Polyphème... l'occasion de réaliser qu'on a toujours besoin d'un plus petit que soi? C'est l'idée du deuxième tome, oui. Charles y fait le tour du monde pour chercher un ami, y fait d'improbables rencontres, avant de réaliser que tout près de lui, dans les plis de ses ailes, un bataillon de coccinelles constitue son premier fan-club, et des amies en puissance ! Lire, rire et apprendre... un peu votre p h i l o s o p h i e d ' u n l i v r e j e u n e s s e satisfaisant? Dans les livres (jeunesse ou autres) je cherche de l'énergie et des émotions. Toutes les émotions. Ce qui me plaît en tant qu'auteur, c'est aussi de travailler avec des illustrateurs différents, donc des univers différents. Je me laisse surprendre, et mon propre univers s'agrandit un peu à chaque fois. Comment expliquez-vous le succès de ce dragonnet-poète auprès des enfants? Est-ce aussi ( ou/et peut-être) parce qu'il séduit d'abord diablement les parents par sa prose intelligente, espiègle et poétique? 43 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 44 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Nota Bene: Ce dessin a été utilisé tel quel pour la page de garde du premier album de Charles. C'est vous dire à quel point j'étais content de ma trouvaille. 45 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Très honnêtement, je pense que le succès du livre est dû avant tout aux illustrations de Philippe-Henri. C'est évident. Mais pour que le livre ne lasse pas trop vite (les enfants et les parents), j'espère que le texte est à la hauteur. Enfin, avez-vous d'autres albums en préparation? D'autres aventures de Charles? La troisième aventure de Charles paraît normalement l'année prochaine. Ça s'appellera "Charles amoureux d'une princesse". Et "princesse" rime avec "suspense" !!! 46 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Comment avez-vous conçu le dessin de Charles? Ohlala, quelle question!!! Et il va falloir que je fasse court. En fait, ce petit dragon est né après la parution d'un livre chez Belin , intitulé "Tendres Dragons", dont le texte est plutôt fait pour les grands et sur lequel j'avais travaillé un peu plus de deux ans. Long et difficile travail de recherches et de dessins. C'est un ouvrage (écrit par Sylvie Chausse) qui me tient beaucoup à coeur. Souvent, dans les salons du livre, j'entendais des parents qui disaient que son texte était trop long ou que leur fillette ne s'intéressait qu'aux princesses... Bref je sortais de là un peu vexé. Et un matin, dans l'atelier, j'ai pris une petite feuille de papier et j'ai griffonné une horreur, un dragon mal fait pour les enfants, tellement nul que je l'ai jeté. Puis sur une deuxième feuille, j'ai tracé une tête de dragon chinois, un peu simplifié. Puis j'ai dessiné un petit corps et des petits bras et des grands pieds... Et surtout d'immenses ailes. Et le voilà, Charlie Charlot ! D'où pouvait-il bien venir le bonhomme? Peut-être de tout le travail fait sur "Tendres Dragons" et résumé en un seul petit croquis. Que je n'ai pas retouché. C'est ce qui explique qu'à cette heure, il m'est parfois impossible de lui faire faire certains gestes tout simple. Bras trop courts. Jambes trop courtes. pieds trop longs. Ailes encombrantes. Et ses moustaches. Et ses cheveux bleus et PhilippeHenri Turin 47 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 flasques qui ont leur propre vie comme les ailes du casques d'Astérix. Et toutes ces écailles... Bref il faudrait un meilleur dessinateur que moi pour arriver à lui donner une vie plus agréable. Pourquoi des écailles jaune or ? Comme il était en partie un dragon asiatique, chinois, j'ai pensé que l'or serait parfait comme pour le dragon qui a emporté le premier empereur chinois dans l'autre monde. Et le bleu allait bien avec tout ce jaune. Mais tout ça s'est créé d'une manière assez instinctive comme pour son aspect. Je fais peu de croquis au préalable. Mauvais ouvrier! mais cette fois, je n'en ai pas fait du tout. Aïe aïe aïe... Vos images sont un feu d'artifice de couleurs... Diriez-vous que c'est une des raisons qui expliquent le succès de Charles ? Il semblerait que ce soit un tout. les couleurs, les détails, le dessin... Les enfants restent souvent scotchés sur la page de garde du premier album. En tout cas, même si je mets beaucoup de couleurs, j'essaye de rester harmonieux. J'espère y arriver. Mais le prochain sera plus "monochrome". Charles traverse un pays détruit, boueux, sous un ciel d'orage de plus en plus sombre... Jusqu'à ce qu'il tombe sur ... Il faudra attendre l'année prochaine. Certains enfants dans les écoles où j'interviens ont déjà vu quelques illustrations et leur enthousiasme me ravi. Celui des adultes également. Avez-vous cherché de votre côté à faire des clins d'¦il aux diverses références littéraires d'Alex Cousseau ? Ou vous êtesvous simplement laissé porter par la magie de ce texte? 48 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Je me laisse porter et en même temps, nous discutons longuement des histoires. On connait déjà quelques thèmes pour les prochaines aventures. Le seul problème est que je suis lent, trop lent... Vos images sont denses, fourmillent de détails... Est-ce intrinsèque à votre style ou avez-vous déjà dessiné des albums de façon épurée? La technique d'encre et de dessins monochomes fait avant le passage en couleur me permet de créer tous ces détails. Il y a longtemps, lorsque je peignais d i rec tem en t à la gouache ou à l'aquarelle, j'avais plus de mal, et mon style était plus lourd. Et surtout je crois que je suis un tardif. il m'a fallu des années pour arriver à ce style. Quand je regarde certains auteurs, jeunes, et déjà si extraordinaires, je les envie. Mais je peux dessiner moins fouillé. je l'ai déjà fait, bien que je saurais jamais dessiner des croquis enlevés. J'admire toux ceux qui sont capables en deux traits de donner la vie... Lorsque vous dessinez des dragons, on reconnaît les stigmates de la culture picturale chinoise... un hasard ? C'est la première fois qu'on vous le dit? Non, non, ce n'est pas la première fois. J'aime les dragons asiatiques, leurs formes, la manière des artistes chinois, même si j'en suis loin. Tout ça est le résultat du long 49 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 travail de recherches sur "Tendres dragons". Charles est l'aboutissement de vingt ans de création. Et je suis content quand des enfants viennent me parler de ce petit dragon comme s'il était vivant, attendant quelque part, au sommet d'une montagne, de pouvoir s'envoler sur un écran de cinéma... Enfin, travaillez-vous sur d'autres albums actuellement? Qui parlent eux aussi de dragons? Je suis en train de dessiner le troisième Charles. Il faut qu'il soit fini pour mars. Et j'ai un retard monstrueux... Ce qui est normal quand on dessine des monstres ailés et des gros cochons... ■Charles apprenti dragon Alex Cousseau & Philippe-Henri Turin Editions: Seuil Jeunesse 104 pages Dès 5 ans Prix: 16€ En librairie le 17 octobre 2013 Abonnez-vous au BSC NEWS MAGAZINE en 1 clic seulement 50 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 ROMAN AMÉRICAIN PAR NICOLAS VIDAL JOANNASMITHRAKOFF L’ALIBI SALINGER 51 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Une année avec Salinger a le mérite d'explorer une vie qui, aujourd'hui, pour beaucoup d'entre nous, n'a plus cours ; celle de la période antenumérique, à laquelle on repense parfois avec une pointe de nostalgie. Joanna vient de terminer ses études et trouve un poste d'assistance dans une agence littéraire new-yorkaise réputée, dirigée par une femme d'un certain âge qui s'est oubliée dans une autre époque, celle des machines à écrire, des dactylos et des vieilles bibliothèques poussiéreuses. Joana fraîche, curieuse et un brin candide découvre un monde qui lui est totalement étranger et va se révéler initiatique. La ville de New York, comme c'est le cas dans très nombreux romans de cette espèce, n'est, pour une fois,pas un personnage à part entière de la trame, mais elle est au contraire un formidable alibi pour mettre en exergue le poids des classes sociales de cette ville si partagée entre la puissance de la ville monde et la précarité de ceux qui espèrent y goûter. Joanna fait l'apprentissage d'un écosystème littéraire tout autant qu'il est à la fois délicat et brutal avec ses mesquineries, ses vengeances et ses traits de génie. Il y a un certain talent de la part de Joana Rakoff Smith à scruter et à retranscrire la quintessence des petites affaires du monde de l'édition. En relief, Joanna expérimente une vie conjugale qui ne prend du sens et qui délivrera sa vérité au regard de sa trajectoire au sein même de l'agence. Enfin, la relation avec Salinger vient doucement au fil des pages sans fracas, amenée avec patience mais détermination qui finit d'achever la pleine maturité de Joanna dont le personnage a quelques complexités intéressantes et une évolution équilibrée. L'auteur a également brossé avec soin le portrait d’un Salinger touchant sur lequel il paraît vite fait de s'attendrir. Joanna Rakoff Smith a cette faculté d'amener son lecteur à se poser des questions pour tenter de dénicher la vérité, entre ce qui est purement fictionnel de ce qui appartient à la mythologie de Salinger. Dans tous les cas, ne lisez pas " Mon année avec Salinger" si vous cherchez un roman sur New York, car ce n'est pas le cas. C'est, au contraitre la voix sensible d'un parcours initiatique qui résonne au plus profond d'une jeune fille. C'est une histoire écrite avec soin et pudeur où la littérature est emmaillotée telle une poupée russe et se dévoile par couche à la narratrice. Il n'est pas faux de dire que cela pourrait apporter un nouvel éclairage sur Salinger, mais il semble crucial d'attirer votre attention sur le fait qu'il est question essentiellement de l'apport du livre et de l'écrit dans les existences quelles qu'elles soient et peut-être que Salinger est le meilleur alibi pour aller bout de cette démonstration. ■ MON ANNÉE SALINGER JOANNA SMITH RAKOFF EDITIONS ALBIN MICHEL 304 PAGES - 20,90 EUROS
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