BSCNEWS OCTOBRE - Page 53 - BSC NEWS MAGAZINE - OCTOBRE 2014 - 53 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Quelle a été la genèse de cet album? Une simple envie de me confronter à un classique de la littérature jeunesse. Vous avez choisi la version de Mme Leprince de Beaumont. Un mot sur cette Dame? Et pourquoi le choix de cette version? C’est le sujet qui m’a porté plus que le choix de l’auteur, La version de Madame Leprince Beaumont est celle qui fait référence car la plus récente, mais le sujet de la métamorphose et de la bête est très ancien. Dessiner l'union de la beauté et la monstruosité, c'est un pari passionnant pour un dessinateur, on suppose? Je trouve en vérité la Bête plutôt belle ! De mon point de vue, le pari sur ce livre se situe ailleurs : réussir à apporter graphiquement quelque chose à ce texte qui a tellement été illustré, mais surtout ne pas répéter ce qui déjà été merveilleusement bien fait, je pense bien sûr au film de Cocteau. Quel est votre " moment préféré" dans cette histoire? Comment avez-vous choisi de le montrer? Certainement le moment où la Bête livre tout son désespoir à la Belle . Désespoir de ne pas être autre chose, de ne pas être aimé. Malgré sa force et son pouvoir immense, il met un genou à terre. Quelle technique, matière et support avez-vous utilisé pour concevoir vos illustrations? J’ai utilisé la peinture à l’huile que j’applique sur du papier. Vous êtes-vous heurté à certaines difficultés lors de vos choix d'illustration de l'album? Le texte entier figure-t-il dans ce livre? Et dans sa version originale? Qu’est-ce qui a donné envie à David Sala d’illustrer la version de La Belle et la Bête de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont? Tous ceux qui connaissent le travail d’orfèvre de l’auteur de « La colère de Banshee », « Le bonheur prisonnier », « Féroce », « Le coffre enchanté » ou encore « Folles Saisons » ne s’étonneront pas que le dessinateur ait été tenté d’imaginer les aventures de la jeune Belle, qui se sacrifie et prend la place de son père auprès d’une Bête effrayante qui se révèlera être un prince malheureux auquel on a jeté un sort. Comment rêver d’un plus bel écrin, romantique et fantastique, pour laisser libre cours à la fantaisie des couleurs et des formes? L’album, qui vient tout juste de paraître, est superbe et sera un cadeau idéal pour cette fin d’année et toutes celles d’après, pour les petits…et pour les grands; les histoires d’amour et de rédemption, en effet, n’ont pas d’âge de péremption ! 54 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 55 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 56 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 57 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Illustrer une oeuvre classique c’est se confronter, comme je le disais précédemment, aux ouvrages antérieurs, à ce que nous avons tous vu et qui nous imprègne parfois malgré nous, tenter de s’en extirper est la première difficulté. J’ai choisi de faire, parfois, l’impasse sur les séquences les plus connues au profit de celles qui me touchaient plus. Nous avons, avec mon éditrice, choisi d’utiliser le texte dans son intégralité et dans sa version originale. Si on lit le commentaire de Marie-Antoinette Reynaud, on nous y explique que c'est un conte qui " apprend aux enfants à distinguer la laideur morale de la laideur physique, à favoriser le rayonnement d'une intelligence, d'un cœur, d'une âme que rend timide un intérieur ingrat"... et plus loin que cette histoire justifie les mariages fréquents,à cette époque, entre hommes mûrs, souvent veufs, et filles très jeunes." Avez-vous une autre analyse? Les lectures de ce conte peuvent être nombreuses comme les interprétations. La plus évidente est en effet celle-ci, une interprétation morale de la nécessité de dépasser les apparences au profit de l’âme. Pour ma part, j’y vois surtout l’impossibilité de devenir un être humain entier sans amour véritable. Quand est prévue la parution de l'album aux Éditions Casterman? L’album est sorti le 15 octobre. En outre, une exposition est prévue bientôt... Pourriez-vous nous en expliquer les enjeux, les participants et le contenu? Je participe à l’exposition « Contes de fées » au palais lumière d'Evian qui aura lieu du 6 décembre 2014 au 6 avril 2015. C’est une exposition qui s’articule autour de 350 oeuvres anciennes et contemporaines et animée de nombreuses projections et sonorisations sur le thème du merveilleux. Les originaux de La Belle et La Bête de David Sala vont être présentés du 6 décembre 2014 au 6 avril 2015 au Palais lumière d’Evian. http://www.ville-evian.fr/france/DT1212048255/page/ Expositions-iu-venir.html ■ La Belle et la Bête DAVID SALA EDITIONS CASTERMAN 18,50 EUROS 58 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 HISTOIRE par Régis Sully / photo DR L’histoire de France de Dimitri Casali est tout sauf un manuel qui survolerait, comme tant d’autres le font, l’histoire de notre pays. Le titre est trompeur. Ainsi, la troisième République se réduit à la commune, à l’action de Gambetta,à l’aventure coloniale au travers de l’épopée de Savorgnan de Brazza, aux maréchaux Joffre, Foch, Pétain et enfin « à la figure complexe et fascinante» d’Aristide Briand. Rien sur l’affaire Dreyfus ou le 6 février 1934. Rien non plus sur le front populaire ou les accords de Munich . On l’aura compris le propos de l’auteur n’est pas de restituer le déroulement des faits mais plutôt de mettre l’accent sur les manquements graves aux yeux de Dimitri Casali de l’enseignement actuel de l’histoire. L’histoire Amputée 59 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Pour l’auteur, la quasi-disparition dans les manuels de certains personnages qui ont contribué à la grandeur de notre pays n’est pas fortuite, la volonté de passer sous silence l’action de certains grands hommes comme Louis XIV ou Napoléon est délibérée . Mettre l’accent sur l’esclavage, la traite n é g r i è r e o u l a décolonisation, bref sur tout ce qui culpabilise la France relève d’une stratégie singulière de notre pays. Pour l’auteur, l’affaire n’est pas anodine et de rappeler qu’on n’a rien trouvé de mieux que l’histoire pour construire l’identité collective, d’où sa démarche pour réhabiliter le passé glorieux de notre pays afin de forger une communauté solidaire en la rendant fière de son passé. Livre passionnant même si on ne partage pas les perspectives de Dimitri Casali, car il oblige le lecteur scrupuleux à réfuter, bref à entamer par delà le livre un dialogue fructueux avec l’auteur. D’autant que certains points de vue risquent de heurter. Ainsi, une page sur la «supercherie de la commune» mérite un petit moment de réflexion, d’autant plus que Thiers est réhabilité. Les «leçons perdues de l’histoire de France» à la fin de chaque chapitre sont passionnantes. Sous forme de notes, l’auteur fait des mises au point fort i n s t r u c t i v e s . C i t o n s - e n q u e l q u e s u n e s : Charlemagne, héros français o u a l l e m a n d ? A p r è s Bouvines : naissance de la nation France. Enfin la plus savoureuse, sans vilain jeu de mots, à propos du mythe du bon sauvage où l’auteur relate la mésaventure de Marion Dufresne qui en explorant la Nouvelle Zélande sera dévoré, lui et son escorte par les bons sauvages Maoris. A lire donc d ’ a u t a n t p l u s q u e l e l i v r e e s t accompagné d’une remarquable et abondante iconographie. ■L’histoire de France De l’ombre à la lumière Dimitri Casalli Editions Flammarion 35,00 euros CRÉEZ GRATUITEMENT UN COMPTE LECTEUR EN CLIQUANT ICI 60 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 ToutE l’actualité du Théâtre concentréE sur un seul site www.autheatrecesoir.fr 61 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 PAR NICOLAS VIDAL / photo DR Apologie du sommeil ESSAI Le titre de l'essai de Jonathan, Crary " Le capitalisme à l'assaut du sommeil" est à lui seul une source d'interrogation et pose les bases d'une réflexion intense sur l'objet et les perspectives de cet ouvrage. Tout d'abord, qui est Jonathan Crary ? Q u e s t i o n c r u c i a l e p o u r m i e u x comprendre de telles prospectives de démonstration sur un sujet qui ne vient pas spontanément à l'idée, mais qui va se révéler au fil de la lecture comme une question essentielle que la plupart d'entre nous pourrait ou/et devrait se poser. Jonathan Crary, lit-on, enseigne l'histoire de l’art et d'esthétique dans la prestigieuse université de Columbia à New York. Déjà le propos se raffermit et l'argumentation pourrait nous titiller un peu plus en profondeur. 62 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 73 - OCTOBRE 2014 Pour s'attaquer frontalement au sujet de cet essai, Jonathan Crary part du constat que le temps laissé au repos et plus particulièrement au sommeil est de plus en plus mis en danger par une suractivité imposée par la société qui s’apparente à une anormalité et à un asservissement " Un environnement 24/7 présente l'apparence d'un monde social alors qu'il se réduit à un modèle asocial de performance machinique - une suspension de la vie qui masque le coût humain de son efficacité". Jonathan Crary ne met pas longtemps à pourfendre le capitalisme, coupable désigné de ce qu’il appelle le 24/24 qui présente la caractéristique suivante : "Dans le paradigme néolibéral m o n d i a l i s é , l e s o m m e i l e s t fondamentalement un truc de losers". C'est dit. Voilà l'ennemi est clairement identifié. Jonathan Crary explique que le fait que l'individu soit sans cesse poussé à être connecté, en permanente communication tend à effacer les frontières naturellement créées entre la sphère privée et professionnelle, entre le temps de l'activité et le temps du repos allant même jusqu'à remettre en cause le phénomène de balancier naturel entre le jour et la nuit. Jonathan Crary s'empresse de s'appuyer sur l'idée de Marx qui dit en substance que« le sommeil est une barrière naturelle dressée face au capitalisme». L'auteur poursuit son propos en insistant sur le fait que «La planète se trouve réimaginée comme un lieu de travail continu ou un centre commercial ouvert en permanence, avec ses choix infinis, ses tâches, ses sélections et ses digressions». Après Karl Marx, Jonathan Crary en appelle à Hannah Arendt pour aborder un des points les plus passionnants de cet ouvrage, la nécessité de la sphère privée pour la réalisation de l'individu que la philosophe appelait " les ténèbres de la vie privée " sans lesquelles "il n'y aurait plus la moindre possibilité de nourrir la singularité du moi, un moi capable d'apporter une
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