BSCNEWS JUIN2014 - Page 31 - BSC NEWS MAGAZINE - JUIN 2014 - Daniel Goossens, Kukula, leticia Moreno, Julien Dérôme, Alonzo King, Bernard Kudlak, Cirque Plume, David Krakauer, Anny Romand, Jasz, Elsa Brants, 31 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 32 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 kms pour me montrer comment jongler. Aujourd'hui il y a des écoles partout dans les villes, même dans les plus petites, mais il y a 30 ans il y avait - au maximum ! - une trentaine de jongleurs en France! L'univers du cirque était cependant e x t r ê m e m e n t f o r t d a n s s o n iconographie entre Fellini, Chaplin, Chagall, Henri Miller et si l'on va plus en arrière, pourquoi pas Baudelaire, Degas... Il y avait un grand rêve de cirque et c'était en même temps comme si le cirque était en train de ne plus exister. Rapidement on s'est formé à des spectacles mêlant de la musique de fanfare (des cuivres) avec des performances. Des performances qui étaient modestes au départ, qui étaient déjà des performances de cirque mais qui s'exécutaient dans la rue, qui étaient aussi faites de boniments et de choses classiques des artistes de rue d'autrefois : la planche à clous, le sac de verre, le crachât de feu etc. On créait avec ça un univers qui était influencé par La Strada de Fellini notamment... et c'était quand même fascinant ! On a ouvert les malles du cirque en un sens et à l'intérieur c'était la caverne d'Alibaba! On a fait un premier spectacle à Besançon en 1983 sous un chapiteau qu'on nous avait prêté ; avec la fanfare, on a ainsi créé un spectacle complet sous chapiteau et l'accueil a été plutôt sympa ; alors, au mois de janvier 84, j'ai proposé à mes camarades qu'on achète un chapiteau, des camions, qu'on repeigne tout et qu'on parte sur les routes. On n'avait rien, pas un centime pour débuter. On était des gens désargentés mais on avait un paquet d'énergie et de rêves dans la tête et hop on a fait ce qu'il fallait: on a " Il y a 30 ans, on a ouvert les malles du cirque - en un senset à l'intérieur c'était la caverne d'Alibaba " 33 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 34 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 emprunté à droite et à gauche, on n'avait que du matos pourri et qui valait rien mais ça nous allait car c'était à la hauteur de notre budget. On s'est lancé dans cette aventure un peu comme dans les dessins animés où le héros passe par un pont mais il n'y a pas de pont en réalité mais, comme il ne le sait pas, il passe quand même! -c'est ça ce qu'on a fait. Rapidement, ensuite, on a du changer le matériel parce qu'il était vraiment en très mauvais état mais on a tout mis surtout dans la construction de notre histoire. Quelques années plus tard, à Avignon, on a eu de bonnes relations avec le public et puis ça s'est construit au fur et mesure et en 90, on a décidé de passer encore à une phase plus grosse avec un chapiteau plus conséquent et on a créé un spectacle qui s'appelait " No Animo mas Anima" ; le titre était déjà signifiant du passage d'un cirque à un autre ; du cirque à l'ancienne à ce nouveau cirque que l'on a créé. On qualifie souvent le Cirque Plume de poétique ; est-ce que c'est un adjectif qui est lié, selon vous, à l'ensemble du Nouveau Cirque? Dans quelle mesure " Au mois de janvier 84, j'ai proposé à mes camarades qu'on achète un chapiteau, des camions, qu'on repeigne tout et qu'on parte sur les routes. On n'avait rien, pas un centime pour débuter. On était des gens désargentés mais on avait un paquet d'énergie et de rêves dans la tête et hop on a fait ce qu'il fallait: on a emprunté à droite et à gauche, on n'avait que du matos pourri et qui valait rien mais ça nous allait car c'était à la hauteur de notre budget. On s'est lancé dans cette aventure un peu comme dans les dessins animés où le héros passe par un pont mais il n'y a pas de pont en réalité mais, comme il ne le sait pas, il passe quand même! -c'est ça ce qu'on a fait. " 35 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 36 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 est-ce plus spécifique au Cirque Plume? Dans votre présentation, on peut lire cette citation" le cirque est un poème en acte", c'est une définition qui vous convient? Dès le départ, on a décidé d'être dans le registre de la poésie, une poésie spécifique au cirque. À cette époquelà, il y avait d'autres gens qui commençaient une aventure de cirque comme Archaos ou Zingaro et qui avaient leur poésie à eux : l'un jouait les aristocrates manouches à cheval et Archaos c'était plutôt Mad Max et bières glacées. De notre côté, on a choisi plutôt de travailler avec les ombres et la lumière, tout était maillé dans des choses délicates. " Le cirque est un poème en acte" est une phrase d'Henri Miller; c'est parfait pour nous. Pour moi, le cirque c'est la nostalgie du paradis. Dès le début on s'est mis dans cette idée-là: c'est un endroit où l'autre se rêve comme étant dans les possibilités d'avant la chute. Le cirque, comme par hasard, travaille juste avant la chute, tout le temps. Qu'il soit classique, contemporain, nouveau, tout ce qu'on veut, le danger existe, le danger physique, le danger de mort même - les dangers du jonglage se situent aussi avant la chute. La plupart des représentations du cirque se situent avant la chute et dans les mythologies des humains, cette histoire d'un lieu où nous avons été avant , pendant longtemps, au paradis, commune à beaucoup de cultures humaines ( et pas seulement dans les religions révélées même si nous baignons dans le judéochristianisme dans lequel il y a la chute du jardin de l'Eden). Le cirque s'exerce avant et c'est pour cela qu'on voit des hommes en paix avec les animaux, des gens qui volent, qui marchent sur les mains..tout est possible au cirque. Et ce que ça décrit, c'est un puissant d é s i r d e s h u m a i n s . C ' e s t p a s anecdotique, c'est un désir puissant et le cirque joue avec cette nostalgie. En créant des actes de cirque avec la conscience de cette nostalgie, on rentre en résonance avec une partie de l'inconscient de nos spectateurs. Dès 1990, j'ai eu cette idée et je l'ai même écrit très nettement. " Le cirque est un poème en acte" est une phrase d'Henri Miller; c'est une définition parfaite pour nous." "Le cirque, c'est la nostalgie du paradis. La plupart des représentations du cirque se situent avant la chute or dans les mythologies des humains, il y a toujours cette histoire d'un lieu où nous avons été avant , pendant longtemps, un paradis. Le cirque s'exerce avant cette chute et c'est pour cela qu'on voit des hommes en paix avec les animaux, des gens qui volent, qui marchent sur les mains..tout est possible au cirque." 37 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 Votre dernier spectacle " Tempus Fugit? une ballade sur le chemin perdu" ne se joue pas sur une piste mais avec une boîte noire...Pourriezvous en nous expliquer la raison? Ce système de la boîte noire est une évolution par nécessité. On a joué longtemps sur une piste et puis ensuite j'ai pensé à travailler avec des ombres et, pour travailler avec des ombres, il vaut mieux être en situation frontale. Il y a une autre raison également très importante, c'est que les musiciens sont acteurs à part entière du spectacle et peuvent être présents en tous points du spectacle et pour rendre cela possible, il n'y a que la situation frontale. Sur une piste, on n'a pas de retour. La nécessité du frontal s'est donc imposée par les ombres et par la musique. Puis ensuite le style de mise en scène du Cirque Plume a accentué cette nécessité. On a pu lire que l'utilisation de cette boîte noire était aussi pour "réduire la distance entre le temps du théâtre et le temps du cirque"... "Le cirque travaille beaucoup sur un temps présent, un temps qui est un peu le temps de la cérémonie religieuse, un temps de l'immédiateté. Quand on tourne un saut périlleux, on ne raconte pas un passé ; on est dans un acte physique immédiat." 38 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 Je pense que le cirque travaille beaucoup sur un temps présent, un temps qui est un peu le temps de la cérémonie religieuse, un temps de l'immédiateté. Quand on tourne un saut périlleux, on ne raconte rien -et en même temps beaucoup de chosesmais en tous cas, pas un passé; on est dans un acte physique immédiat. Cette idée d'éternité du saut périlleux , à mon avis, est une chose très forte dans le cirque. C'est pour ça que pas mal de cirques disent souvent " Venez vivre un instant de notre vie avec nous". Zingaro le disait au début, Alexandre Romanès le dit encore aujourd'hui "Venez vivre un temps avec des voyageurs manouches"... Cette immédiateté du cirque explique pourquoi j'ai toujours pensé qu'il était difficile d'écrire des histoires au cirque "Le spectacle" Tempus Fugit" n'est pas là pour raconter des choses, on n'est pas au théâtre. On n'est pas dans un stage de philosophie ou dans une conférence. On s'est juste placé à l'endroit de la transmission. Les jeunes artistes qui sont avec nous n'étaient pas nés quand on a commencé l'aventure de la compagnie. On n'a donc pas voulu faire une thèse sur le temps, on a juste voulu faire un spectacle à l'endroit où nous étions, c'est à dire à ce moment de transmission." 39 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014 40 - BSC NEWS MAGAZINE - N° 70 - JUIN 2014
BSCNEWS JUIN2014 - Page 31
BSCNEWS JUIN2014 - Page 32
viapresse
www.bscnews.fr