Lire un extrait de La premiere fois de Sarah - M. Gray - Page 10 - Lire un extrait de La premiere fois de Sarah, de Marie Gray Publié pour la première fois en 2009 par Guy Saint-Jean Éditeur Inc. Collaboration de Carole Rouiller Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse: mai 2012. Copyright © Guy Saint-Jean Éditeur Inc. 2009 © 2012, éditions Pocket Jeunesse, département d’Univers Poche, pour la présente édition. ISBN: 978-2-266-22322-5 sarah-001-216.indd 4sarah-001-216.indd 4 21/02/12 17:03:3721/02/12 17:03:37 7 Prologue Le jour J… Eh oui! Me voilà, prête pour le jour J. Moi, Sarah Marchand, je l’attends, je l’espère. Quand arrivera- t-il? Je n’en sais rien, mais je sens que ce sera bientôt. Le jour où nous serons enfin seuls. Tout seuls chez lui. Ma mère ne m’attendra pas, nous aurons le temps… Cela fait des semaines que nous nous y préparons. Des semaines interminables, mais tellement chargées d’émo- tions qu’elles sont passées à la vitesse de l’éclair. De toute façon, nous avions besoin d’attendre pour bien faire les choses. LA chose. Car, bien sûr, c’est de ça qu’il s’agit. Cette fameuse chose qui fera de moi, pour le reste de ma vie, une femme… Après tout ce qui s’est passé les mois derniers, j’ai pour- tant l’impression de ne plus être une petite fille ni même une ado. Mais ce moment, avec lui, sera l’étape ultime, la preuve que j’arrive à l’âge adulte. «Ta première fois, tu vas te la rappeler toute ta vie. Fais en sorte que ce soit un bon souvenir…» Cette phrase de ma grande sœur Nadia me trotte dans la tête, comme un refrain entêtant. Avec le temps, elle sarah-001-216.indd 7sarah-001-216.indd 7 21/02/12 17:03:3721/02/12 17:03:37 8 a pris un sens différent. Maintenant, je la comprends. Totalement. Dans les bras de mon amoureux, mon ami, mon confi- dent avec qui j’ai déjà vécu d’autres «premières fois», je serai bien. Ses lèvres si douces dans mon cou et ses mains qui se baladeront avec tendresse sur mon corps, amoureuse- ment, ses doigts qui me caresseront. Je veux être bien. Ses mains, ses lèvres, je les veux là, sur chaque parcelle de mon corps et sur mon cœur aussi, même si elles y sont déjà. Je sais que Nadia a raison, que j’ai bien fait d’attendre le bon moment, avec la bonne personne, au bon endroit. Oui, je me souviendrai de ce moment toute ma vie… Il me déshabillera, caressera mes seins à travers mon soutien-gorge et mon cœur s’emballera, comme chaque fois qu’il s’approche de moi. Des frissons de plaisir et une cer- taine nervosité aussi me parcourront sans relâche. Je sentirai une bosse bien dure gonfler le devant de son pantalon. Je me sentirai belle, désirée… mais serai-je à la hauteur? J’ai si peu d’expérience. Pourtant, il me rassurera. La chaleur de son étreinte me dira que tout va bien se passer, que je n’ai rien à craindre. Nous avons tout prévu, tout préparé. Je l’aime, et je sais qu’il m’aime aussi. Comme une litanie, la phrase de ma sœur me revient en tête… Quand Nadia m’a parlé de cette fameuse «première fois», je ne comprenais pas trop pourquoi elle en faisait tout un plat. J’étais curieuse. À l’époque, tout ça était encore bien mystérieux pour moi. Je n’avais que quatorze ans, je me croyais folle amoureuse de Justin, qui en avait presque seize. Je savais que Justin voulait qu’on «aille plus loin», mais c’était encore très flou dans ma tête. Je me contentais de nos caresses et je n’étais pas pressée de passer à l’étape suivante. Malgré tout, j’avais peur qu’il me trouve imma- sarah-001-216.indd 8sarah-001-216.indd 8 21/02/12 17:03:3721/02/12 17:03:37 9 ture et finisse par se détacher de moi. Je ne savais pas quoi faire. Bien sûr, nos caresses étaient très agréables et j’adorais sentir son corps contre le mien. Mais de là à… faire l’amour? Ouah! Ce que nous faisions me suffisait pour le moment, et j’espérais naïvement que c’était pareil pour Justin… Nadia, de quatre ans mon aînée et qui, à l’époque, habi- tait encore chez nous, avait recueilli mes confidences. Il y avait longtemps qu’elle ne prêtait plus attention à mes interrogations de petite fille, mais là, le sujet la captivait! Elle tenait à jouer son rôle de grande sœur: «Tu sais, la première fois, ça peut être magique. Extraordinaire. Mais ça peut aussi être très décevant, ou même carrément l’enfer, si tu ne le veux pas vraiment. Dans ce cas, attends. S’il t’aime vraiment, il comprendra. Au fait, vous avez des préservatifs?» Cette dernière recommandation m’avait fait l’effet d’une douche froide. Des préservatifs? Euh… bien sûr, oui. Je savais bien qu’il fallait faire très attention, se protéger et tout le reste. J’avais bien entendu les leçons et tous les avertisse- ments d’usage: infections, grossesse… Pas très romantique! Et l’amour dans tout ça? J’avais entièrement confiance en Justin et cela me semblait le plus important. «Oui, mais la confiance, c’est pas très efficace comme moyen de contraception!» Aïe, aïe, aïe. Comme c’était compliqué! En plus, j’avais un gros problème: j’allais bientôt démé- nager et j’avais bien l’intention de continuer ma relation avec Justin, même à distance. Si nous faisions l’amour, si je lui faisais ce cadeau, ne verrait-il pas à quel point je l’aimais et combien je tenais à lui? J’étais un peu perdue. Je n’étais pas si sûre de bien comprendre les conseils de ma sœur. Qu’est-ce qui pourrait aller de travers, au juste? sarah-001-216.indd 9sarah-001-216.indd 9 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38 Il ne me fallut que quelques mois pour y voir plus clair. Ce qui se passa par la suite me fit comprendre que les choses ne sont pas toujours aussi simples qu’elles en ont l’air et que j’avais encore beaucoup de choses à apprendre. Et ça, la vie s’en est très bien chargée… sarah-001-216.indd 10sarah-001-216.indd 10 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38 11 Chapitre 1 Une nouvelle vie La rentrée s’annonçait pénible. Nous venions d’em- ménager dans notre nouvelle maison, à plus de deux cents kilomètres de ce que je devais déjà appeler mon ancienne vie. Ma mère avait décroché le boulot de ses rêves et Michel, mon beau-père, n’avait eu aucun mal à trouver, lui aussi, un meilleur emploi. Nadia, quant à elle, avait choisi d’aller vivre à l’université où elle allait étudier, à deux heures de route. Elle me manquait déjà terriblement. Même si je ne passais plus beaucoup de temps avec elle, son absence était un bouleversement de plus. Et je trouvais qu’il y en avait suffisamment comme ça. Quand ma mère m’avait annoncé qu’on allait déménager, j’avais eu du mal à l’encaisser, même si je m’y attendais… Je savais qu’elle espérait cette mutation depuis longtemps. Depuis la mort de mon père, en fait. Je n’ai pas vraiment connu mon père. Il est décédé dans un accident de voiture alors que j’avais à peine deux ans. Nadia a quelques souvenirs de lui, mais ils sont de plus en plus vagues… et elle n’arrive pas à savoir s’il s’agit de souvenirs sarah-001-216.indd 11sarah-001-216.indd 11 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38 12 réels ou si ce ne sont que des images recréées à partir des photos de ma mère. Elle voulait quitter cette maison, ce quartier où nous étions nées. Elle semblait remise – surtout depuis sa rencontre avec Michel, cinq ans plus tard. Mais cette nouvelle vie qu’elle commençait ailleurs avec lui signi- fiait qu’elle allait définitivement tourner la page. Donc, pour moi, pour nous, tout était nouveau. Je n’avais même pas eu le temps d’explorer les alentours avant la ren- trée scolaire, encore moins de me faire des amis. À peine quelques jours pour installer ma nouvelle chambre, aider ma mère et Michel à aménager les autres pièces et, voilà, c’était la rentrée. Nouvelle ville, nouveau collège, rien de familier. Rien du tout. Ce matin-là, je me suis réveillée pleine de bonnes inten- tions et bien décidée à passer une belle journée, malgré l’an- goisse qui me donnait des crampes. J’avais passé la nuit – la semaine entière, en fait! – à essayer d’imaginer la suite. Ma mère et Nadia, qui m’avait téléphoné la veille pour me sou- haiter bonne chance, disaient toutes les deux que le plus dif- ficile serait la première semaine. J’espérais qu’elles avaient raison. Une semaine, ça pouvait passer vite ou à une lenteur infernale… «Ça, ça dépend de toi! m’avait dit Nadia. Si tu restes dans ton coin et que tu rases les murs, c’est sûr que ça va être pénible… Mais c’est pas vraiment ton genre, hein, sœurette?» C’est vrai. Je ne suis pas d’un naturel timide ou réservé. Mais quand même, j’aurais bien voulu connaître au moins une personne avant la rentrée. Juste une. Je me suis accrochée au conseil de Nadia. Elle avait souvent raison. Elle avait beau jouer la grande sœur rassurante, elle avait sa façon de me faire sentir son affection, sa bienveillance. Malgré la distance qui allait nous séparer désormais, je savais que je resterais sa petite sœur, qu’elle veillerait sur moi. Et elle sarah-001-216.indd 12sarah-001-216.indd 12 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38 13 aussi commençait une nouvelle vie. Je décidai d’être coura- geuse. Si elle y arrivait, moi aussi! Pour me donner une contenance en allant à l’arrêt de bus – ça aussi, c’était nouveau, avant je pouvais aller au collège à pied –, j’ai écouté mes chansons préférées pour me mettre de bonne humeur. Chaque refrain dans mes écouteurs me donnait du courage. Tant mieux, car rien qu’à voir la foule de garçons et de filles qui attendait, j’en avais le vertige. J’ai aperçu un petit talus de pelouse désert où je me suis installée en espérant que le bus ne tarderait pas trop. J’ai pensé un moment éteindre ma musique pour me joindre à une conversation, mais je n’en ai pas eu le courage. Demain, peut-être. Une chose à la fois! J’ai préféré me livrer à un petit exercice d’observation, le regard à l’abri derrière mes lunettes de soleil. Il y avait des jeunes de tous les styles. Même si je me sen- tais étrangère, ceux et celles qui attendaient le bus avec moi ressemblaient aux jeunes de mon ancien collège: mêmes styles, mêmes groupes, mêmes bandes. Cette idée m’a fait sourire et j’ai commencé mon étude. Ici, trois filles très jolies, bien maquillées, un peu vulgaires à mon goût, mini- jupes assorties et décolletés bronzés bien en évidence. Là, une fille et deux mecs, du genre plutôt sportif, casquettes sur la tête et écouteurs sur les oreilles. Plus loin, une fille à l’air timide, encore très endormie, se tenait à l’écart. Je me suis dit que je pourrais peut-être aller la voir, mais, au même moment, elle a fait un signe de la main à un couple qui approchait. Deux autres garçons fumaient plus loin; l’un d’eux parlait beaucoup trop fort à mon goût et l’autre avait le visage entièrement couvert d’acné. Le bus est arrivé. Je suis montée avec le troupeau, j’ai tenté de m’asseoir dans la bousculade la plus totale. J’ai fini par atterrir à côté d’une fille bizarre qui voulait sans doute sarah-001-216.indd 13sarah-001-216.indd 13 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38 14 se donner un air gothique, mais qui ne parvenait qu’à avoir l’air morbide et étrange. D’une pâleur de mois de janvier, son visage témoignait d’un été passé sans mettre le nez dehors. Elle était vêtue de noir des pieds à la tête, mais c’était tout ce qu’elle sem- blait avoir adopté du look gothique: elle portait une blouse informe et un jean si ample qu’il devait appartenir à son père. Ses cheveux étaient teints en noir presque bleu, mais plusieurs mèches, d’un brun souris terne, semblaient avoir été oubliées. Elle avait besoin d’une sérieuse retouche et d’une manucure: ses ongles, rongés jusqu’à la peau, arbo- raient des restes de vernis noir écaillé. Sur son visage, pas la moindre trace de maquillage, ce qui accentuait ses cernes profonds. J’ai réalisé qu’elle aurait pu être jolie. Très jolie, en fait, mais elle semblait se donner beaucoup de mal pour ne pas l’être. Pour ça, au moins, l’effet était réussi. Elle fai- sait vraiment peur à voir… J’ai entendu quelques ricanements de la part des filles en mini-jupes et des commentaires faciles des mecs à casquettes: — Hé! Julianne, tu vas où comme ça? Halloween, c’est dans deux mois! — Hé! le vampire, attention, le soleil va te tuer! Ça m’énerve tellement, ce genre de réflexions. Ils peuvent la laisser tranquille, non? La fille ne semblait pas perturbée le moins du monde, comme si elle ne les entendait pas. Tant mieux pour elle! Dans une forme de solidarité, j’ai tenté d’entamer la conversation: — Salut. Moi, c’est Sarah. — Mmm… — Quoi? J’ai pas compris… — J’ai dit «ouais, et alors?». — Oh! là, là! OK, c’est bon… sarah-001-216.indd 14sarah-001-216.indd 14 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38 15 Et j’ai remis mes écouteurs sur mes oreilles, me disant que j’aurais dû la fermer au lieu d’essayer d’être gentille. Pff… Quel début! La journée s’est passée à peu près sans incident. Rien de spécial. Un peu beaucoup perdue dans ce collège immense, je me suis trompée de salle deux fois, mais je n’étais pas en retard. Pas de problème. J’ai réussi mon petit numéro de fille cool, mais à l’intérieur, c’était autre chose. J’avais l’estomac noué en permanence. J’ai déjeuné seule, ce que je déteste, mais il fallait s’y attendre. Au dessert, j’ai senti une boule dans ma gorge. Quelle panique! Je n’allais quand même pas me mettre à pleurer comme un bébé. Mais voilà, c’était le méga coup de cafard. Je voulais mon ancienne vie, dans mon collège, avec mes amis. Là, tout de suite. Je voulais Stéphanie, mon amie de toujours, je voulais Justin, même si je savais qu’il m’avait probablement déjà oubliée, je voulais tout comme avant. Je me suis levée en vitesse avant le déluge et je suis sortie prendre l’air. Dehors, les derniers rayons de soleil de l’été m’ont remonté le moral. J’ai respiré l’air frais… Peut-être était-ce la couleur du ciel ou encore la voix de Nadia qui me disait: «Une semaine, Sarah, donne-toi une semaine», qui m’a réconfortée. Toujours est-il que je me suis calmée avant même de verser ma première larme. Je l’apprivoiserais, ce collège, tout doucement, mais j’y arrive- rais… Il était mille fois plus grand avec mille fois plus de monde mais ce n’était qu’un collège après tout. Une autre journée est passée, avec comme seul voisin dans le bus un dingue de rap qui, trop absorbé par la musique que ses écouteurs crachaient à un volume absurde, ne m’a pas jeté le moindre regard. Je ne me suis trompée qu’une seule fois de salle, j’ai encore déjeuné seule, d’un plat de spa- ghetti insipide, mais sans boule dans la gorge, cette fois. sarah-001-216.indd 15sarah-001-216.indd 15 21/02/12 17:03:3821/02/12 17:03:38
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