Lire un extrait de Proies de Mo Hayder - Page 2 - Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collec- tive » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, consti- tuerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. © 2010, Mo Hayder © 2010, Presses de la Cité, un département de pour la traduction française ISBN 978-2-266-21157-4 Le papier de cet ouvrage est composé de fibres naturelles, renouvelables, recyclables et fabriquées à partir de bois provenant de forêts plantées et cultivées durablement pour la fabrication du papier. Titre original : GONE 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 6 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16 7 1 Le commissaire adjoint Jack Caffery, de la brigade criminelle de Bristol, examina pendant dix minutes la scène de crime située dans le centre de Frome. Il dépassa les barrages, les gyrophares, le ruban jaune, les curieux qui, rassemblés en petits groupes avec leurs sacs de courses du samedi après-midi, tentaient d’aper- cevoir les techniciens de la police scientifique maniant le pinceau et la poudre à empreintes, et se tint un long moment là où tout était arrivé, parmi les taches d’huile et les chariots abandonnés dans le parking souterrain, s’efforçant de s’imprégner du lieu et d’estimer la gra- vité de l’affaire. Puis, saisi par le froid malgré son manteau, il monta au bureau exigu du directeur, où les policiers locaux et les techniciens regardaient sur un moniteur couleur des images enregistrées par les caméras de surveillance. Gobelet de café à la main, ils formaient un demi- cercle, certains encore en combinaison de Tyvek au capuchon rabattu. Tous levèrent les yeux quand Caf- fery entra, mais il secoua la tête pour signifier qu’il n’avait pas de nouvelles et ils se tournèrent de nouveau vers l’écran, le visage grave. 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 7 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16 8 Les images avaient le grain typique d’un système de surveillance en circuit fermé et la caméra était braquée sur la rampe d’accès du parking. L’incrustation de l’heure passa du noir au blanc. L’écran montrait des voitures sur des emplacements peints au-delà desquels un jour hivernal se déversait par la rampe d’entrée. Derrière l’un des véhicules – une Toyota Yaris –, une femme, dos tourné à la caméra, déchargeait des provi- sions d’un chariot. Jack Caffery avait servi dix-huit ans dans l’unité la plus dure de la police, la Crim, dans l’un des centres-villes les plus pourris du pays. Il n’en res- sentit pas moins un pincement d’appréhension, sachant ce qui allait se passer. Les rapports des flics locaux lui avaient déjà appris pas mal de choses : la femme s’appelait Rose Bradley. Mariée à un pasteur de l’Église anglicane, proche de la cinquantaine, même si sur l’écran elle paraissait plus âgée. Elle portait une veste sombre épaisse – de la che- nille, peut-être –, une jupe en tweed à mi-mollet et des chaussures basses. Les cheveux courts, propres et bien peignés. Elle aurait sans doute eu la prudence de se munir d’un parapluie ou de nouer un foulard sur ses cheveux s’il avait plu mais c’était une journée claire et froide, et elle avait la tête nue. Rose avait passé l’après- midi dans les boutiques de vêtements du centre de Bath avant de faire les courses de la semaine dans un super- marché Somerfield. Avant de commencer à charger les sacs, elle avait posé ses clés et son ticket de parking sur le siège avant de la Yaris. La lumière du jour tremblota derrière elle et, levant la tête, elle vit un homme descendre la rampe en cou- rant. Grand et large d’épaules, il était vêtu d’un jean et d’un anorak. Le visage dissimulé par un masque en 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 8 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16 9 caoutchouc. De Père Noël. Pour Caffery, c’était ce que la scène avait de plus effrayant, ce masque en caout- chouc qui tremblait tandis que l’homme courait vers Rose, ce grand sourire qui ne disparut pas quand il s’approcha d’elle. — Il a dit trois mots. L’inspecteur local, un grand type austère en uni- forme qui avait également dû passer un bon moment dehors dans le froid à en juger par ses narines rougies, indiqua le moniteur d’un mouvement du menton. — Juste là, quand il est arrivé sur elle. Il a dit : « Allonge-toi, salope. » Elle n’a pas reconnu sa voix et elle ne sait pas s’il avait un accent parce qu’il gueulait. L’homme saisit Rose par le bras, l’écarta brutale- ment de la voiture. Un collier se cassa, des perles s’éparpillèrent, captèrent la lumière. Rose heurta de la hanche le coffre de la voiture voisine et bascula par- dessus, comme une poupée en caoutchouc. Elle se cogna le coude contre le toit du véhicule, rebondit et tomba sur les genoux. Pendant ce temps, l’homme au masque s’était glissé derrière le volant de la Yaris. Rose réussit à se relever, s’approcha de la portière et tira sur la poignée au moment où son agresseur mettait le contact. La voiture fit une embardée quand il des- serra le frein à main, puis elle recula. Rose suivit le mouvement en titubant. L’homme freina et passa en marche avant. Rose lâcha prise, s’effondra et roula sur elle-même jusqu’à s’immobiliser. Elle leva la tête juste à temps pour voir la Yaris foncer vers la sortie. — Et ensuite ? demanda Caffery. — Pas grand-chose. On retrouve le type sur une autre caméra. 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 9 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16 10 L’inspecteur braqua la télécommande sur le magné- toscope, sauta d’un enregistrement à l’autre. — Ici, quand il quitte le parking. Il a utilisé le ticket de la victime. Mais l’image n’est pas très bonne. L’écran montrait la Yaris de derrière. Les feux stop s’allumèrent lorsqu’elle ralentit à la barrière. La vitre côté chauffeur s’abaissa, une main mit le ticket dans la fente. Après un temps mort, la barrière s’ouvrit. Les stops s’éteignirent et la voiture redémarra. — Pas d’empreintes sur la borne, annonça l’inspec- teur. Il portait des gants. Vous les voyez. — Arrêtez là, dit Caffery. L’image se figea. Caffery se pencha vers l’écran, tourna la tête de côté pour examiner la vitre arrière au- dessus de la plaque d’immatriculation éclairée. Lorsque l’affaire avait été transmise à la Crim, le commissaire divisionnaire qui en assurait la direction – un type impitoyable qui aurait crucifié une vieille femme sur le mur de son bureau si elle avait détenu des informations pouvant faire grimper son taux d’élucidation – avait déclaré à Caffery que la première chose à faire, c’était de vérifier l’exactitude de la déposition. Caffery étudia les ombres et les parties brillantes de la lunette arrière, distingua quelque chose sur la banquette. Une forme pâle et floue. — C’est elle ? — Oui. — Vous êtes sûr ? L’inspecteur se tourna vers lui et le fixa longuement, comme s’il se sentait mis à l’épreuve. — Oui, répéta-t-il lentement. Pourquoi ? Caffery ne répondit pas. Il n’allait pas clamer sur les toits que le patron de la brigade criminelle avait vu 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 10 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16 11 défiler une kyrielle de connards qui, quand on leur avait volé leur voiture, avaient inventé un enfant sur la banquette arrière pour que la police recherche le véhi- cule avec plus d’ardeur. Ce genre de chose arrivait. Malheureusement, ce n’était pas le cas de Rose Bradley, semblait-il. — Montrez-la-moi. Avant. L’inspecteur revint à l’enregistrement précédent, quatre-vingt-dix secondes avant l’agression. Le par- king était désert. Lorsque l’incrustation horaire afficha 4 : 31, les portes menant au supermarché s’ouvrirent et Rose Bradley apparut, poussant son chariot. Elle était accompagnée d’une fillette en imperméable marron, le teint pâle, une frange de cheveux blonds. La petite por- tait des chaussures à bride couleur pastel, un collant rose, et marchait les mains dans les poches. Rose déverrouilla la Yaris, l’enfant ouvrit une portière et monta à l’arrière. Rose referma la portière derrière elle, posa les clés et le ticket de parking sur le siège avant et se dirigea vers le coffre. — OK. Vous pouvez arrêter. L’inspecteur éteignit le moniteur et se redressa. — Il y a enlèvement, là, commenta-t-il. Du coup, l’affaire est à qui ? Vous ? Moi ? — À personne, répondit Caffery en tirant un trous- seau de clés de sa poche. Parce qu’elle n’ira pas jusque-là. L’inspecteur haussa les sourcils. — Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? — Les statistiques. Le gars a fait une erreur, il ne savait pas que la gamine était dans la voiture. Il la fera descendre à la première occasion. Il l’a probablement déjà déposée et on va recevoir le coup de fil. 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 11 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16 — Ça fait presque trois heures, objecta l’inspecteur. Le commissaire adjoint soutint son regard. L’homme avait raison : ces trois heures écoulées ne rentraient pas dans les statistiques, et Caffery n’aimait pas ça. Mais il faisait ce boulot depuis assez longtemps pour savoir qu’il y avait de temps en temps des cas qui ne cadraient pas avec les stats. Oui, trois heures, c’était mauvais signe. Mais il y avait probablement une raison. Le type préférait peut-être prendre du champ, trouver un endroit où il serait sûr qu’on ne le verrait pas laisser l’enfant. — Elle reviendra, vous pouvez me croire. — Vraiment ? — Vraiment. Caffery boutonna son manteau en quittant le bureau. Il était censé finir son service une demi-heure plus tard. Il avait plusieurs possibilités pour occuper sa soirée : un quiz organisé par l’Association de la police au Staple Hill Bar, une tombola pour un gigot d’agneau au Coach and Horses, près du QG, ou la solitude de son domicile. Perspectives lugubres. Mais pas autant que ce qu’il devait faire maintenant. Ce qu’il devait faire maintenant, c’était aller voir la famille Bradley. Et découvrir si, mis à part un simple accroc aux statis- tiques, il y avait une autre raison pour que leur plus jeune fille, Martha, ne soit pas encore rentrée. 166042POK_PROIES_FM9.fm Page 12 Lundi, 9. mai 2011 4:41 16
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